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Le Conseil d'Etat ne se prononcera pas sur la légalité de Parcousup
Le 19/03/2018
Par deux ordonnances n° 417905 et 418029 du 20 février 2018, le Conseil d’Etat rejette les référés formés par différentes associations et syndicats contre les décisions de créer la plateforme Parcoursup et l’arrêté du 19 janvier 2018 autorisant la collecte des données.
En effet, à l’instar de ce qu’il avait jugé à propos de la circulaire APB, le conseil d’Etat refuse de se prononcer sur la légalité des décisions qui lui sont soumises. Plus précisément, en matière de référé suspension, il est nécessaire qu’une situation d’urgence soit établie pour que le juge administratif se prononce sur l’existence de moyens sérieux justifiant la « suspension » de l’exécution de la décision contestée dans l’attente d’une décision au fond.
Au cas présent, comme il l’avait jugé pour la circulaire APB, le Conseil d’Etat estime que l’intérêt public s’oppose à ce que l’exécution des décisions soit suspendue. Autrement dit, même si la décision était illégale, il vaudrait mieux qu’elle demeure dans l’ordonnancement juridique, sa suspension créant plus de troubles que son maintien illégal.
Pour ce faire, il retient que la plateforme est accessible aux futurs étudiants depuis le 22 janvier de sorte qu’une suspension mettrait fin à la procédure nationale de préinscription, ce qui perturberait gravement les étudiants et les autorités académiques et compromettrait, de surcroit, le déroulement du début de l’année universitaire 2018/2019. C’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat considère que l’intérêt public s’oppose à la suspension des décisions de création de Parcoursup et de l’arrêté permettant la collecte des données.
Il relève également que la collecte des données prévue par l’arrêté du 19 janvier 2018 a un caractère limité, de sorte que la gravité de cette collecte n’est pas établie.
Ainsi, il refuse de se prononcer sur la légalité du système Parcoursup.
Cette position est la même qu’il avait adopté en juin dernier à propos de la circulaire APB. La Haute juridiction semble donc avoir adopté une stratégie consistant à ne pas intervenir avant la rentrée universitaire et attendre qu’elle soit passée pour annuler les textes qui lui sont soumis. C’est ce qu’elle a fait avec la circulaire APB puisque cette dernière a finalement été annulée en décembre 2017.
Le résultat est toutefois qu’en agissant de la sorte, le Conseil d’Etat prive ses propres décisions de tout effet utile. En effet, s’agissant d’APB, annuler la circulaire une fois la rentrée passée et alors que le système APB venait d’être supprimé a donné un caractère assez théorique à son annulation.
S’agissant de Parcoursup qui nous intéresse en l’espèce, il est à peu près certain que si le Conseil d’Etat avait accepté de se prononcer, il aurait suspendu l’exécution de la décision de créer Parcoursup. En effet, cette décision, qui instaure la sélection, a été prise avant que la loi du 8 mars 2018 ne l’autorise. Dès lors, à la date de lancement de Parcoursup le 22 janvier 2018, l’ancien texte de l’article L. 612-3 du code de l’éducation interdisait toujours la sélection comme l’a récemment rappelé le Conseil d’Etat.
De la sorte, une nouvelle fois, le Conseil d’Etat renverra – comme il l’a fait pour APB – aux juridictions du fond le soin de se prononcer sur la légalité de ce système à l’occasion des recours formés contre les refus d’admission en première année (qui ne manqueront pas d’être, à nouveau, intentés cette année).
Les sursis à statuer en matière d’urbanisme et la répartition des compétences en Nouvelle-Calédonie
Le 12/03/2018
Par un avis n° 410805 du 8 novembre 2017, le Conseil d’Etat estime que les dispositions de l’article PS. 112-14 du code de l’urbanisme néo-calédonien (applicable à la province Sud) – qui prévoient que le délai de confirmation de la demande à la suite d’un sursis à statuer est inopposable s’il n’a pas été mentionné – sont illégales.
Il convient de rappeler que les règles d’urbanisme néo-calédoniennes ont été récemment réformées, que ce soit celles applicables à l’ensemble du territoire que dans celles, plus spécifiques, applicables en province Sud et en province Nord.
Au terme de cette réforme, l’article R. 112-2 du code de l’urbanisme de Nouvelle-Calédonie prévoit que les décisions de sursis à statuer, opposés à des demandes d’autorisation d’urbanisme du fait de l’élaboration d’un plan d’urbanisme directeur, doivent être motivées et ne peuvent excéder deux ans. Le texte indique également que la demande initiale peut être confirmée dans un délai de deux mois après l’expiration du sursis.
Cette règle n’a, en soi, rien d’original puisqu’il s’agit d’une simple transposition de la règle applicable en métropole.
Néanmoins, au-delà de cet article en « R. » (compétence réglementaire du territoire), l’article PS. 112-14 du même code (la référence « PS. » indique que cet article a été adopté par la province Sud dans le cadre de l’exercice de ses compétences) apporte deux précisions et limites à cet article.
En effet, il indique :
- D’une part, que la décision de sursis doit rappeler le délai de confirmation de deux mois visé à l’article R. 112-2 du code de l’urbanisme de Nouvelle-Calédonie.
- D’autre part, qu’à défaut de mention de ce délai, aucun délai n’est opposable (de sorte que la demande peut être confirmée au-delà de deux mois).
La première règle vise à informer les demandeurs de la règle. Et la seconde est imposée pour contraindre les communes à bien indiquer cette information dans les décisions de sursis.
C’est cette seconde règle dont les juridictions administratives ont été saisies et qui a donné lieu à l’avis du Conseil d’Etat. En effet, cette règle a été contestée, non pas pour son contenu – qui semble difficilement discutable sur le plan de la légalité – mais sur la compétence de la province Sud pour édicter une telle règle.
Plus précisément, la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 qui répartit les compétences entre l’Etat, le territoire de la Nouvelle-Calédonie et les autres collectivités territoriales prévoit en son article 22 que le territoire est compétent pour édicter les « principes directeurs du droit de l’urbanisme », les provinces étant compétentes pour le reste des règles applicables en matière d’urbanisme.
Ces « principes directeurs » n’étant pas définis par le texte, l’interprétation de ces termes n’est pas aisée.
Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion d’éclaircir quelque peu cette notion de « principes directeurs » (CE. SSR. Avis. 27 juillet 2012, M. Philippe B, n° 357824, mentionnée aux tables) de sorte que l’avis qui nous intéresse ici n’apporte rien sur le plan du droit. En effet, il rappelle que cette notion ne se confond pas avec :
- Les principes constitutionnels,
- Les principes relevant de l’article 34 de la Constitution (c'est-à-dire réservés au Parlement sur le plan national).
Les « principes directeurs » dépassent les principes législatifs et recouvrent donc également les principes posés, en métropole, par le règlement.
Ces principes sont très larges et concernent le fond et la procédure. De plus, leur champ est également extensif puisqu’ils recouvrent : l’encadrement des atteintes au droit de propriété, la détermination des compétences et la garantie de la cohésion territoriale.
Cette définition restant assez théorique, le Conseil d’Etat donne, dans l’avis commenté et l’avis M. Philippe B, différents exemples :
- Les règles générales relatives à l’utilisation du sol,
- Les règles relatives aux documents d’urbanisme,
- Les règles relatives aux procédures d’aménagement et au droit de préemption,
- Les règles relatives à la détermination des autorités compétentes pour élaborer et approuver les documents d’urbanisme, conduire les procédures d’aménagement, délivrer les autorisations d’urbanisme et exercer le droit de préemption.
L’on constate donc qu’autrement dit, les « principes directeurs » recouvrent peu ou prou toutes les règles de fond et les règles de compétence.
Au vu cet état du droit, le Conseil d’Etat estime que la règle selon laquelle si le délai de confirmation de la demande (deux mois à l’expiration du sursis) n’est pas mentionné dans la décision de sursis à statuer, alors il est inopposable, relevait des « principes directeurs ».
Cette position apparaît logique puisque les règles générales de procédure relatives à la délivrance des permis de construire (et notamment aux sursis à statuer) touchent à « l’encadrement des atteintes au droit de propriété » qui relève de la compétence du territoire.
En outre, une autre considération, plus pratique, de cette solution (évoquée par le rapporteur public, Aurélie Bretonneau, dans ses conclusions) est qu’une telle règle doit s’appliquer indifféremment sur l’ensemble du territoire néo-calédonien. Il serait en effet, dommageable, pour les demandeurs (et pour la cohérence générale du système) que de telles règles soient différentes en province Sud et province Nord.
Dès lors, quand bien même la règle en cause est empreinte de logique, elle n’a pas été adoptée par une autorité compétente et ne sera donc pas opposable. Cela signifie donc – en pratique – que même si le délai de confirmation n’a pas été mentionné dans la décision de sursis à statuer, il sera opposable au demandeur.
La circulaire APB est illégale
Le 29/01/2018
Par une décision n° 410561 du 22 décembre 2017, le Conseil d’Etat fait droit au recours des associations SOS Education, Promotion et défense des étudiants et Droits des lycéens, dirigé contre la circulaire du 24 avril 2017 ou circulaire « APB ». En effet, la Haute juridiction considère que cette circulaire est illégale au motif qu’elle conduit à la mise en oeuvre d’un tirage au sort trop fréquent dans les filières dites « en tension ».
Avant d’évoquer plus en détail le contenu de cette décision, il est nécessaire de rappeler le contexte juridique (voir la saga juridique) dans lequel s’inscrit cette décision relative au système APB, qui devrait être le point final de cette série de décisions – du moins jusqu’au le début de la saga Parcoursup qui commencera à n’en point douter en juin prochain.
1. En effet, la décision du Conseil d’Etat a été prise dans le contexte juridique délicat des inscriptions en première année à l’université qui a donné lieu à de nombreuses décisions de justice ces dernières années. Plus précisément, au cours des dernières rentrées universitaires, de nombreux candidats-étudiants à la première année de licence se sont vu refuser toute inscription à l’issue de la procédure APB. Face à cette année « blanche », certains d’entre eux ont saisi les juridictions administratives de recours contre ces refus.
A l’occasion de ces recours, et avec l’aide d’associations d’étudiants, il est apparu que l’algorithme d’affectation APB avait été « enrichi » d’un tirage au sort permettant de départager les étudiants. Or, cette méthode a été censurée par le juge administratif pour son absence de base légale (voir, par exemple, en ce sens : TA Bordeaux, 16 juin 2016, n° 1504236).
Pour tenter de pallier cette carence, le gouvernement a adopté, dans l’urgence, une circulaire n° 2017-077 du 24 avril 2017 afin de donner un début de base légale à ce système etr tenter de limiter le nombre de contentieux (voir l’article : quel effet pour la circulaire « APB » ?). Un recours en référé a alors été formé par plusieurs associations contre cette circulaire devant le Conseil d’Etat. Toutefois, par une ordonnance du 2 juin 2017, ce dernier a rejeté le recours, estimant que la condition d’urgence pour qu’il se prononce n’était pas remplie.
Cependant, des juridictions du fond se sont prononcées à l’occasion de refus d’admission opposés à des candidats à la première année. Tel est notamment le cas du tribunal administratif de Bordeaux qui a estimé, par trois ordonnances du 21 septembre 2017, que la circulaire APB était illégale dès lors qu’elle introduisait un quatrième critère de départage des candidats (à travers le tirage au sort) en plus des trois critères textuels déjà prévus.
Depuis lors, une réforme profonde de l’entrée à l’université a été décidée par le gouvernement instaurant – en pratique – un début de sélection pour l’accès à la première année. Bien que cette réforme ne soit pas encore adoptée, la plate-forme Parcoursup a déjà été mise en place.
Ainsi, cette nouvelle plate-forme et les nouvelles règles rendent caducs les débats relatifs à la procédure APB. Néanmoins, il est intéressant de rester attentifs aux décisions rendues à propos d’APB, lesquelles restent riches d’enseignements.
2. C’est donc dans ce contexte que, par la décision du 22 décembre 2017, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la légalité de la circulaire APB. Les enseignements de cette décision sont nombreux en matière de droit de l’éducation et, notamment, à propos de l’utilisation du tirage au sort comme mode de départage des candidats.
● En premier lieu, le Conseil d’Etat rappelle dans cette décision que l’article L. 612-3 du code de l’éducation établit, en principe, un droit pour les candidats à la première année d’être inscrit dans l’université de leur choix dans leur académie. Ainsi, la Haute juridiction reconnaît qu’il existe bien un libre choix de la filière et de l’université en première année (dans son académie d’origine). Jusqu’ici, le Conseil d’Etat ne paraissait pas l’avoir reconnu aussi clairement. C’est désormais chose faite.
Néanmoins, il rappelle également la limite de ce principe, à savoir les hypothèses dans lesquelles le nombre de candidatures dépasse le nombre de places. La Haute juridiction souligne que dans ce cas, l’article L. 612-3 du code de l’éducation prévoit trois critères de classement (domicile, préférences du candidat, situation familiale).
● En deuxième lieu, le Conseil d’Etat précise que ces dispositions, qui donnent compétence au ministre pour préciser les modalités de mise en œuvre de ces critères, lui donnent également compétence pour fixer les règles de départage des étudiants si les trois critères ne suffisent pas à le permettre. Ainsi, la Haute juridiction consacre expressément une possibilité pour le ministre d’aller un peu plus loin que les trois critères.
Elle précise également que ce départage peut se faire par tirage au sort. Dès lors, le Conseil d’Etat confirme que le tirage au sort n’est pas, en soi, une technique illégale. C’est ce qu’il avait déjà pu juger implicitement par le passé (CE. SSR. 5 novembre 2001, Ministre de l’éducation, n° 215351, mentionnée aux tables). Cependant, le Conseil d’Etat apporte une limite à ce principe en indiquant que le tirage ne peut intervenir qu’à titre « exceptionnel » afin de respecter le caractère limitatif des critères énoncés par l’article L. 612-3 du code de l’éducation.
Autrement dit, le tirage au sort ne pose pas de difficulté de principe au Conseil d’Etat. Mais il ne peut être utilisé qu’avec parcimonie et ne peut pas constituer une méthode générale de sélection, faute de quoi, le tirage au sort deviendrait un réel critère de sélection, non-prévu par le code de l’éducation.
Dès lors, le ministre doit fixer les modalités des trois critères de telle sorte qu’un départage soit exceptionnel.
● En troisième lieu, appliquant ces principes à la circulaire, le Conseil d’Etat considère qu’ils ont été méconnus. En effet, il relève que le tirage au sort a été appliqué dans un nombre important de filières « en tension ». Il en déduit donc que les modalités de mise en œuvre des trois critères, prévues par la circulaire, ne permettent pas de garantir qu’un départage n’aura lieu qu’à titre exceptionnel. Dans ces conditions, il considère que la circulaire méconnaît l’article L. 612-3 du code de l’éducation.
Cette position est intéressante à plusieurs titres :
- Tout d’abord, le Conseil d’Etat ne censure pas l’utilisation du tirage au sort mais les modalités de mise en œuvre des trois critères précédant ce tirage au sort. En effet, ce qu’il reproche au ministre, c’est de ne pas avoir trouvé des modalités d’application des trois critères permettant de faire en sorte que le tirage au sort soit utilisé de manière exceptionnelle.
- Ensuite, d’un point de vue contentieux, la méthode utilisée par la Haute juridiction est peu orthodoxe puisqu’elle se fonde sur l’application pratique de la circulaire pour en déduire qu’elle est illégale. En effet, c’est en constant que de nombreuses filières en tension ont fait l’objet d’un tirage au sort que le Conseil d’Etat estime que ce tirage au sort n’est pas exceptionnel et donc illégal. Il prend ainsi en compte des éléments postérieurs à l’émission de la circulaire pour juger de sa légalité méthode qui en principe ne peut être utilisée dans un contentieux d’excès de pouvoir).
- Enfin, le Conseil d’Etat fait application de la jurisprudence AC ! (CE. Ass. 11 mai 2004, Association AC !, n° 255886, publiée au Recueil) en modulant les effets de l’annulation de la circulaire en les limitant à l’avenir. Autrement dit, les inscriptions et refus d’inscription opposés sur le fondement de la circulaire demeurent légaux (sous réserves des décisions d’inscription ou de refus d’inscription qui ont fait l’objet d’un recours à la date de la décision du Conseil d’Etat).
Le 22/01/2018
Par une ordonnance n° 415132 du 9 novembre 2017, le juge des référés de Conseil d’Etat fournit une méthode claire et précise pour déterminer le sort des allocations versées à un demandeur d’asile lorsque l’administration s’aperçoit qu’il a formé plusieurs demandes d’asile.
Dans cette affaire de référé, jugée en appel par le Conseil d’Etat, le demandeur avait sollicité l’octroi du statut de réfugié le 10 octobre 2016 auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine. L’Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) l’avait donc fait bénéficier des conditions matérielles d’accueil prévues par le code de l’entrée et du séjour des étrangers.
Toutefois, il est apparu que postérieurement, l’intéressé avait déposé une nouvelle demande d’asile auprès de la préfecture de la Moselle. L’OFFI, informé de cette double demande, avait immédiatement interrompu le paiement des allocations versées à M. M'hamed B et sollicité le remboursement de l’ensemble des sommes perçues, au motif que le demandeur avait fourni des informations inexactes sur sa situation familiale.
Ce raisonnement, censuré par le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, est confirmé par le juge des référés du Conseil d’Etat dans l’ordonnance commentée. Il donne dans cette ordonnance – mentionnée aux tables – une méthodologie à l’attention de l’OFFI pour déterminer les conséquences à faire produire au constat de demandes multiples de la part d’un demandeur d’asile.
1. D’une part, il rappelle que les dispositions de l’article L. 744-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers, qui permettent de retirer les conditions matérielles d’accueil, peuvent être mises en œuvre lorsque le demandeur a fourni des informations erronées mais uniquement lorsque ces informations erronées lui permettent de bénéficier indûment d’allocations. Autrement dit, toute information erronée n’entraîne pas le retrait des conditions matérielles d’accueil, il est nécessaire que cette information erronée ait des conséquences sur le bénéfice des allocations (leur montant par exemple).
2. D’autre part, il évoque plus spécifiquement l’hypothèse dans laquelle le demandeur d’asile effectue une seconde demande après avoir bénéficié des conditions matérielles d’accueil au titre de la première demande. Le juge précise les effets de cette seconde demande frauduleuse :
♦ Elle implique le remboursement des aides versées au titre de cette seconde demande,
♦ Concernant les aides versées au titre de la première demande, il convient de distinguer selon que le demandeur a fourni ou non des informations inexactes (ayant des conséquences sur le montant des allocations versées) :
- Si les informations fournies sont exactes, les conditions matérielles d’accueil doivent être maintenues.
- Si les informations fournies sont inexactes, les conditions matérielles d’accueil doivent être retirées.
Au vu de cette grille de lecture, le juge des référés confirme la position du juge des référés du tribunal administratif de Versailles, qui avait considéré que la seconde demande (frauduleuse) ne justifiait pas le retrait des allocations versées au titre de la première demande.
De la sorte, le Conseil d’Etat établit une distinction marquée entre les différentes demandes d’asile que peut effectuer un demandeur : si les allocations octroyées au titre d’une première demande sont justifiées, elles doivent être maintenues jusqu’au terme de cette procédure de demande, quand bien même d’autres demandes d’asile frauduleuses auraient été déposées postérieurement.
Précisions sur les cas d'exclusion du statut de réfugié
Le 15/01/2018
Par une décision n° 403454 du 4 décembre 2017, le Conseil d’Etat vient préciser la notion de personnes exclues du statut de réfugié, du fait de raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis des crimes ou agissements condamnés par la Convention de Genève.
Plus précisément, était en cause l’application de l’article 1er F de la Convention de Genève qui dresse une liste des personnes exclues du bénéfice de cette Convention (et donc du statut de réfugié). Trois hypothèses sont envisagées par cet article, à savoir les personnes pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser :
- Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité,
- Qu’elles ont commis un grave crime de droit commun,
- Qu’elles ont eu des agissements contraires aux buts et principes des Nations unies.
Dans cette affaire, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait considéré qu’il convenait, pour exclure un demandeur du statut de réfugié, d’établir sa responsabilité personnelle et consciente aux crimes et agissements évoqués ci-dessus.
Autrement dit, la CNDA avait retenu une interprétation restrictive des « raisons sérieuses » selon laquelle pour exclure un demandeur du statut, il convenait de disposer d’éléments concrets sur la participation personnelle et consciente de la personne concernée.
Toutefois, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement pour erreur de droit et adopte, à l’inverse, une interprétation souple des « raisons sérieuses ».
En effet, il considère que la responsabilité ne peut être déduite des seuls éléments de contexte mais estime qu’il n’est pas nécessaire d’établir des faits précis caractérisant l’implication de l’intéressé dans les crimes ou agissements visés par la Convention.
Dès lors, il n’est plus nécessaire de rechercher si le demandeur à une responsabilité personnelle et consciente dans les crimes perpétrés. Cette interprétation des « raisons sérieuses » étend donc substantiellement le champ de l’exclusion par rapport à la lecture retenue par la CNDA.
Cette position appelle deux remarques.
D’une part, en pratique, la distinction instaurée par le Conseil d’Etat apparaît difficile à mettre en œuvre dans la mesure où la différence entre de simples « éléments de contexte » et l’absence d’établissement de « faits précis caractérisant l’implication de l’intéressé » dans les crimes et agissements visés par la Convention est ténue. En effet, s’il n’est pas nécessaire d’établir des faits, c’est bien que l’on doit uniquement se référer à des éléments de contexte.
Sans doute faut-il en déduire que les éléments de contexte sur lesquels doivent se fonder l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la CNDA pour mettre en œuvre l’exclusion prévue à l’article 1er F de la Convention ne peuvent être simplement généraux mais doivent être précis, tels que l’appartenance à certains régiments ou unités, qui se sont rendus responsables de crimes réprimés par la Convention.
D’autre part, la divergence d’interprétation entre le Conseil d’Etat et la CNDA n’est pas nouvelle. Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de censurer le 24 juin 2015, une décision de la CNDA au motif que cette dernière avait considéré que des articles de presse n’étaient pas suffisants pour établir la participation d’un demandeur à des opérations terroristes, en l’absence de pièces judiciaires. En effet, il avait estimé que les stipulations de la Convention exigeaient seulement des raisons sérieuses de penser que le demandeur s’était rendu coupable de tels agissements. Dans ces conditions, par la décision commentée, le Conseil d’Etat réitère ce raisonnement en formation plus solennelle (chambres réunies) par une décision mentionnée aux tables.
Jurisprudence Danthony et recours à un expert par l'organisme consulté
Le 02/01/2018
Par une décision n° 410381 du 20 décembre 2017 « Syndicat national des agents des douanes-CGT », le Conseil d’Etat rappelle, sur le fondement d’une jurisprudence bien établie que l’administration peut saisir un organisme consultatif alors qu’elle n’y est pas tenue avant de prendre une décision, mais qu’elle doit, dans cette hypothèse, consulter cet organisme de manière régulière (voir, par exemple, en ce sens : CE. Ass. 18 avril 1980, Syndicat national de l’enseignement supérieur FEN, n° 09102, publiée au Recueil). Après ce rappel de principe, la Haute juridiction estime qu’en l’espèce l’avis consultatif non-obligatoire rendu au ministre par le CHSCT était irrégulier, celui-ci ayant été donné alors qu’un avis de l’inspection du travail avait été demandé – conformément aux dispositions applicables au CHSCT – pour éclairer le CHSCT. Le Conseil d’Etat précise en effet que le recours à cet expert était une garantie et que son avis pouvait exercer une influence sur le sens de la décision attaquée (CE. Ass. 23 décembre 2011, M. Danthony et autres, n° 335033, publiée au Recueil).
L’affaire soumise au Conseil d’Etat portait, plus précisément, sur la fermeture d’un bureau des douanes par le ministère de l’économie dans la cadre de la réorganisation de ses services. Avant de procéder à cette fermeture, le ministre de l’économie avait décidé de saisir le CHSCT.
La Haute juridiction précise d’emblée que cette consultation n’était pas obligatoire, seul le comité technique ayant à être obligatoirement consulté sur ce type de question. Toutefois, cette précision n’a pas d’incidence en l’espèce dans la mesure où, comme le rappelle le Conseil d’Etat, une consultation, même réalisée volontairement et sans obligation, doit respecter les règles de consultation de l’organisme consulté (CE. Ass. 18 avril 1980, Syndicat national de l’enseignement supérieur FEN, n° 09102, publiée au Recueil).
Or, au cas présent, face au désaccord persistant entre l’administration et le CHSCT, l’administration avait décidé de saisir l’inspection du travail pour qu’elle rende un avis sur ce « désaccord sérieux et persistant », comme le permet l’article 5-5 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif au CHSCT.
Néanmoins, sans attendre le résultat de cette expertise de l’inspection du travail, l’administration décida de faire procéder au vote du CHSCT sur cette question. A la suite de cet avis (auquel les représentants de personnel avaient refusé de participer), l’administration décida de fermer le bureau des douanes litigieux, sans attendre, une nouvelle fois, le rapport de l’inspection du travail.
Le Conseil d’Etat considère dans la décision du 20 décembre 2017 que l’avis rendu par le CHSCT était irrégulier, ce dernier n’ayant « pas disposé des éléments suffisants pour permettre sa consultation ». Autrement dit, l’information des membres du CHSCT n’était pas suffisante pour que ce dernier puisse rendre un avis éclairé, en l’absence du rapport de l’inspection du travail, lequel constitue une garantie et peut avoir une influence sur le sens de la décision attaquée.
Dès lors, et du fait de l’irrégularité de l’avis, la décision du ministre supprimant le bureau des douanes litigieux était elle-même illégale.
Par conséquent, c’est une illégalité en cascade qui, malgré les évolutions introduites par la jurisprudence Danthony, conduit à l’annulation de l’arrêté du ministre. En effet, l’organisme consulté n’ayant pas lui-même pu consulter l’avis de l’organisme qu’il pouvait saisir, il ne pouvait légalement rendre l’avis qui lui était demandé. Dans ces conditions, et même si l’avis du CHSCT n’était pas obligatoire en l’espèce et avait bien été rendu, cet avis était irrégulier et entachait d’illégalité la décision attaquée.
Un agent, muté d’office dans l’intérêt du service, n’a pas à connaître le lieu de cette affectation
Le 08/12/2017
Par une décision n° 402103 du 8 novembre 2017, le Conseil d’Etat considère qu’un agent muté dans l’intérêt du service, s’il doit être mis à même de présenter ses observations avant l’émission de la décision, n’a pas à être informé du lieu sur lequel sa mutation est envisagée.
Dans cette affaire, était en cause un agent qui, à l’issue d’une exclusion temporaire disciplinaire, n’avait pas été réintégré, dans l’intérêt du service, sur son poste mais dans un autre établissement de son administration. En effet, le déplacement d’office de l’agent ne présentait pas – en l’espèce – un caractère disciplinaire, le déplacement visant, non pas à sanctionner l’agent, mais à prévenir les éventuels troubles que pourrait susciter son retour à l’issue de son exclusion.
Dans ce type d’hypothèse, l’agent doit être mis à même, avant l’émission de la décision, de demander son dossier et de présenter ses éventuelles observations sur la décision à intervenir. En effet, même si le changement d’affectation ne présente pas un caractère disciplinaire, l’agent dispose de ces garanties anciennes, fixées par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.
Il convient de souligner que l’agent doit être « mis à même » d’exercer ces garanties. Autrement dit, il n’a pas à être invité à le faire mais doit cependant disposer d’un délai entre l’annonce de ce que la décision de mutation va être prise et l’intervention effective de cette décision (CE. Sect. 23 juin 1967, M. Mirambeau, n° 55068, publiée au Recueil ; CE. SSR. 14 mai 1986, Syndicat national des cadres hospitaliers CGT-FO, 60852, mentionnée aux tables ; ou plus récemment : CAA Lyon, 28 juin 2011, Mme Virginie X, n° 10LY01394). Ce délai le met donc à même – selon la jurisprudence – de demander son dossier et de faire valoir ses observations, bien qu’il n’y ait pas été invité.
Au cas présent, la cour administrative d’appel de Marseille avait considéré (CAA Marseille, 24 mai 2016, n° 14MA04315) que ces garanties n’avaient pas été respectées dans la mesure où l’agent n’avait pas été informé de l’établissement dans lequel il allait être déplacé, de sorte qu’il n’avait pas été mis à même de présenter ses observations.
Cette position, empreinte de logique, consiste à considérer que si l’agent ne connaît pas le site sur lequel il sera muté (à un kilomètre de son lieu de travail initial ou à l’autre bout de la France), alors il n’est pas à même de présenter utilement ses observations.
Toutefois, telle n’est pas la solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée, rendue à la suite du pourvoi formé par La Poste contre l’arrêt de la cour annulant la mutation qu’elle avait décidée.
En effet, la Haute juridiction considère que la cour a commis une erreur de droit et que l’agent n’avait pas à être informé du lieu précis de son changement d’affectation pour faire valoir utilement ses observations.
Cette solution est regrettable car si, juridiquement, une mesure de mutation d’office dans l’intérêt du service est la même quel que soit le nouveau lieu d’affectation, de sorte que l’agent peut présenter des observations sur le principe de la mutation, il n’en demeure pas moins que, pratiquement, la mutation dans un établissement situé dans la même ville ou à des centaines de kilomètres du lieu initial de travail n’est pas la même chose.
Aussi, pour donner un effet utile aux observations de l’agent, il aurait été préférable d’imposer à l’administration d’indiquer le lieu d’affectation envisagé.
Le vol de 200 ouvrages justifie l’exclusion définitive d’un étudiant du système universitaire
Le 01/12/2017
Par une décision n° 393269 du 6 novembre 2017, le Conseil d’Etat considère que le vol de plus de 200 ouvrages par un étudiant dans une bibliothèque universitaire justifie son exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur.
Dans cette affaire, soumise en cassation au Conseil d’Etat à la suite d’une décision du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, était en cause un étudiant, accusé par son université d’avoir fait disparaître sur une période de 5 mois plus de 200 ouvrages de la bibliothèque universitaire.
En effet, pour justifier ces accusations, l’université se basait sur un faisceau d’indices :
- Que l’étudiant était le dernier emprunteur des ouvrages ayant disparu,
- Que les quelques ouvrages rapportés par l’intéressé à la suite de relances étaient endommagés, leur puce électronique ayant été arrachée puis recollée.
Ces éléments faisaient présumer que l’étudiant avait dérobé les ouvrages en procédant à des restitutions fictives par le passage des puces, décollées des ouvrages, devant les dispositifs de retour.
Aussi, la section disciplinaire de l’université avait sanctionné cet étudiant par une exclusion définitive de tout établissement universitaire. Saisi en appel de cette décision, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche avait toutefois estimé que ces éléments n’établissaient pas la réalité des accusations.
Un pourvoi a alors été formé par l’université devant le Conseil d’Etat.
Ce dernier, exerçant son contrôle de cassation, juge que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a dénaturé les pièces dossier en annulant la sanction.
Réglant l’affaire au fond comme juge du plein contentieux (CE. Ass. 16 février 2009, Société ATOM, n° 274000, publiée au Recueil) la Haute juridiction estime que les éléments étaient suffisants, en l’absence d’explications de l’étudiant, pour regarder les faits comme établis et pour le sanctionner.
Dès lors, et implicitement, le Conseil d’Etat considère que cette sanction (la plus grave de toutes les sanctions prévues par les articles L. 811-6 et R. 811-11 du code de l’éducation) était justifiée.
En effet, l’article R. 811-11 dresse une liste des sanctions dans un ordre croissant de gravité allant de la plus légère (l’avertissement) à la plus lourde (l’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur).
L’exclusion définitive du système universitaire est donc rarement appliquée puisqu’elle concerne uniquement les faits les plus graves. Le cas soumis au Conseil d’Etat donne donc un exemple d’application de cette sanction.