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Précisions sur les cas d'exclusion du statut de réfugié
Le 15/01/2018
Par une décision n° 403454 du 4 décembre 2017, le Conseil d’Etat vient préciser la notion de personnes exclues du statut de réfugié, du fait de raisons sérieuses de penser qu’elles ont commis des crimes ou agissements condamnés par la Convention de Genève.
Plus précisément, était en cause l’application de l’article 1er F de la Convention de Genève qui dresse une liste des personnes exclues du bénéfice de cette Convention (et donc du statut de réfugié). Trois hypothèses sont envisagées par cet article, à savoir les personnes pour lesquelles il existe des raisons sérieuses de penser :
- Qu’elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité,
- Qu’elles ont commis un grave crime de droit commun,
- Qu’elles ont eu des agissements contraires aux buts et principes des Nations unies.
Dans cette affaire, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) avait considéré qu’il convenait, pour exclure un demandeur du statut de réfugié, d’établir sa responsabilité personnelle et consciente aux crimes et agissements évoqués ci-dessus.
Autrement dit, la CNDA avait retenu une interprétation restrictive des « raisons sérieuses » selon laquelle pour exclure un demandeur du statut, il convenait de disposer d’éléments concrets sur la participation personnelle et consciente de la personne concernée.
Toutefois, le Conseil d’Etat censure ce raisonnement pour erreur de droit et adopte, à l’inverse, une interprétation souple des « raisons sérieuses ».
En effet, il considère que la responsabilité ne peut être déduite des seuls éléments de contexte mais estime qu’il n’est pas nécessaire d’établir des faits précis caractérisant l’implication de l’intéressé dans les crimes ou agissements visés par la Convention.
Dès lors, il n’est plus nécessaire de rechercher si le demandeur à une responsabilité personnelle et consciente dans les crimes perpétrés. Cette interprétation des « raisons sérieuses » étend donc substantiellement le champ de l’exclusion par rapport à la lecture retenue par la CNDA.
Cette position appelle deux remarques.
D’une part, en pratique, la distinction instaurée par le Conseil d’Etat apparaît difficile à mettre en œuvre dans la mesure où la différence entre de simples « éléments de contexte » et l’absence d’établissement de « faits précis caractérisant l’implication de l’intéressé » dans les crimes et agissements visés par la Convention est ténue. En effet, s’il n’est pas nécessaire d’établir des faits, c’est bien que l’on doit uniquement se référer à des éléments de contexte.
Sans doute faut-il en déduire que les éléments de contexte sur lesquels doivent se fonder l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la CNDA pour mettre en œuvre l’exclusion prévue à l’article 1er F de la Convention ne peuvent être simplement généraux mais doivent être précis, tels que l’appartenance à certains régiments ou unités, qui se sont rendus responsables de crimes réprimés par la Convention.
D’autre part, la divergence d’interprétation entre le Conseil d’Etat et la CNDA n’est pas nouvelle. Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de censurer le 24 juin 2015, une décision de la CNDA au motif que cette dernière avait considéré que des articles de presse n’étaient pas suffisants pour établir la participation d’un demandeur à des opérations terroristes, en l’absence de pièces judiciaires. En effet, il avait estimé que les stipulations de la Convention exigeaient seulement des raisons sérieuses de penser que le demandeur s’était rendu coupable de tels agissements. Dans ces conditions, par la décision commentée, le Conseil d’Etat réitère ce raisonnement en formation plus solennelle (chambres réunies) par une décision mentionnée aux tables.
Jurisprudence Danthony et recours à un expert par l'organisme consulté
Le 02/01/2018
Par une décision n° 410381 du 20 décembre 2017 « Syndicat national des agents des douanes-CGT », le Conseil d’Etat rappelle, sur le fondement d’une jurisprudence bien établie que l’administration peut saisir un organisme consultatif alors qu’elle n’y est pas tenue avant de prendre une décision, mais qu’elle doit, dans cette hypothèse, consulter cet organisme de manière régulière (voir, par exemple, en ce sens : CE. Ass. 18 avril 1980, Syndicat national de l’enseignement supérieur FEN, n° 09102, publiée au Recueil). Après ce rappel de principe, la Haute juridiction estime qu’en l’espèce l’avis consultatif non-obligatoire rendu au ministre par le CHSCT était irrégulier, celui-ci ayant été donné alors qu’un avis de l’inspection du travail avait été demandé – conformément aux dispositions applicables au CHSCT – pour éclairer le CHSCT. Le Conseil d’Etat précise en effet que le recours à cet expert était une garantie et que son avis pouvait exercer une influence sur le sens de la décision attaquée (CE. Ass. 23 décembre 2011, M. Danthony et autres, n° 335033, publiée au Recueil).
L’affaire soumise au Conseil d’Etat portait, plus précisément, sur la fermeture d’un bureau des douanes par le ministère de l’économie dans la cadre de la réorganisation de ses services. Avant de procéder à cette fermeture, le ministre de l’économie avait décidé de saisir le CHSCT.
La Haute juridiction précise d’emblée que cette consultation n’était pas obligatoire, seul le comité technique ayant à être obligatoirement consulté sur ce type de question. Toutefois, cette précision n’a pas d’incidence en l’espèce dans la mesure où, comme le rappelle le Conseil d’Etat, une consultation, même réalisée volontairement et sans obligation, doit respecter les règles de consultation de l’organisme consulté (CE. Ass. 18 avril 1980, Syndicat national de l’enseignement supérieur FEN, n° 09102, publiée au Recueil).
Or, au cas présent, face au désaccord persistant entre l’administration et le CHSCT, l’administration avait décidé de saisir l’inspection du travail pour qu’elle rende un avis sur ce « désaccord sérieux et persistant », comme le permet l’article 5-5 du décret n° 82-453 du 28 mai 1982 relatif au CHSCT.
Néanmoins, sans attendre le résultat de cette expertise de l’inspection du travail, l’administration décida de faire procéder au vote du CHSCT sur cette question. A la suite de cet avis (auquel les représentants de personnel avaient refusé de participer), l’administration décida de fermer le bureau des douanes litigieux, sans attendre, une nouvelle fois, le rapport de l’inspection du travail.
Le Conseil d’Etat considère dans la décision du 20 décembre 2017 que l’avis rendu par le CHSCT était irrégulier, ce dernier n’ayant « pas disposé des éléments suffisants pour permettre sa consultation ». Autrement dit, l’information des membres du CHSCT n’était pas suffisante pour que ce dernier puisse rendre un avis éclairé, en l’absence du rapport de l’inspection du travail, lequel constitue une garantie et peut avoir une influence sur le sens de la décision attaquée.
Dès lors, et du fait de l’irrégularité de l’avis, la décision du ministre supprimant le bureau des douanes litigieux était elle-même illégale.
Par conséquent, c’est une illégalité en cascade qui, malgré les évolutions introduites par la jurisprudence Danthony, conduit à l’annulation de l’arrêté du ministre. En effet, l’organisme consulté n’ayant pas lui-même pu consulter l’avis de l’organisme qu’il pouvait saisir, il ne pouvait légalement rendre l’avis qui lui était demandé. Dans ces conditions, et même si l’avis du CHSCT n’était pas obligatoire en l’espèce et avait bien été rendu, cet avis était irrégulier et entachait d’illégalité la décision attaquée.
Un agent, muté d’office dans l’intérêt du service, n’a pas à connaître le lieu de cette affectation
Le 08/12/2017
Par une décision n° 402103 du 8 novembre 2017, le Conseil d’Etat considère qu’un agent muté dans l’intérêt du service, s’il doit être mis à même de présenter ses observations avant l’émission de la décision, n’a pas à être informé du lieu sur lequel sa mutation est envisagée.
Dans cette affaire, était en cause un agent qui, à l’issue d’une exclusion temporaire disciplinaire, n’avait pas été réintégré, dans l’intérêt du service, sur son poste mais dans un autre établissement de son administration. En effet, le déplacement d’office de l’agent ne présentait pas – en l’espèce – un caractère disciplinaire, le déplacement visant, non pas à sanctionner l’agent, mais à prévenir les éventuels troubles que pourrait susciter son retour à l’issue de son exclusion.
Dans ce type d’hypothèse, l’agent doit être mis à même, avant l’émission de la décision, de demander son dossier et de présenter ses éventuelles observations sur la décision à intervenir. En effet, même si le changement d’affectation ne présente pas un caractère disciplinaire, l’agent dispose de ces garanties anciennes, fixées par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.
Il convient de souligner que l’agent doit être « mis à même » d’exercer ces garanties. Autrement dit, il n’a pas à être invité à le faire mais doit cependant disposer d’un délai entre l’annonce de ce que la décision de mutation va être prise et l’intervention effective de cette décision (CE. Sect. 23 juin 1967, M. Mirambeau, n° 55068, publiée au Recueil ; CE. SSR. 14 mai 1986, Syndicat national des cadres hospitaliers CGT-FO, 60852, mentionnée aux tables ; ou plus récemment : CAA Lyon, 28 juin 2011, Mme Virginie X, n° 10LY01394). Ce délai le met donc à même – selon la jurisprudence – de demander son dossier et de faire valoir ses observations, bien qu’il n’y ait pas été invité.
Au cas présent, la cour administrative d’appel de Marseille avait considéré (CAA Marseille, 24 mai 2016, n° 14MA04315) que ces garanties n’avaient pas été respectées dans la mesure où l’agent n’avait pas été informé de l’établissement dans lequel il allait être déplacé, de sorte qu’il n’avait pas été mis à même de présenter ses observations.
Cette position, empreinte de logique, consiste à considérer que si l’agent ne connaît pas le site sur lequel il sera muté (à un kilomètre de son lieu de travail initial ou à l’autre bout de la France), alors il n’est pas à même de présenter utilement ses observations.
Toutefois, telle n’est pas la solution retenue par le Conseil d’Etat dans la décision commentée, rendue à la suite du pourvoi formé par La Poste contre l’arrêt de la cour annulant la mutation qu’elle avait décidée.
En effet, la Haute juridiction considère que la cour a commis une erreur de droit et que l’agent n’avait pas à être informé du lieu précis de son changement d’affectation pour faire valoir utilement ses observations.
Cette solution est regrettable car si, juridiquement, une mesure de mutation d’office dans l’intérêt du service est la même quel que soit le nouveau lieu d’affectation, de sorte que l’agent peut présenter des observations sur le principe de la mutation, il n’en demeure pas moins que, pratiquement, la mutation dans un établissement situé dans la même ville ou à des centaines de kilomètres du lieu initial de travail n’est pas la même chose.
Aussi, pour donner un effet utile aux observations de l’agent, il aurait été préférable d’imposer à l’administration d’indiquer le lieu d’affectation envisagé.
Le vol de 200 ouvrages justifie l’exclusion définitive d’un étudiant du système universitaire
Le 01/12/2017
Par une décision n° 393269 du 6 novembre 2017, le Conseil d’Etat considère que le vol de plus de 200 ouvrages par un étudiant dans une bibliothèque universitaire justifie son exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur.
Dans cette affaire, soumise en cassation au Conseil d’Etat à la suite d’une décision du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche, était en cause un étudiant, accusé par son université d’avoir fait disparaître sur une période de 5 mois plus de 200 ouvrages de la bibliothèque universitaire.
En effet, pour justifier ces accusations, l’université se basait sur un faisceau d’indices :
- Que l’étudiant était le dernier emprunteur des ouvrages ayant disparu,
- Que les quelques ouvrages rapportés par l’intéressé à la suite de relances étaient endommagés, leur puce électronique ayant été arrachée puis recollée.
Ces éléments faisaient présumer que l’étudiant avait dérobé les ouvrages en procédant à des restitutions fictives par le passage des puces, décollées des ouvrages, devant les dispositifs de retour.
Aussi, la section disciplinaire de l’université avait sanctionné cet étudiant par une exclusion définitive de tout établissement universitaire. Saisi en appel de cette décision, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche avait toutefois estimé que ces éléments n’établissaient pas la réalité des accusations.
Un pourvoi a alors été formé par l’université devant le Conseil d’Etat.
Ce dernier, exerçant son contrôle de cassation, juge que le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a dénaturé les pièces dossier en annulant la sanction.
Réglant l’affaire au fond comme juge du plein contentieux (CE. Ass. 16 février 2009, Société ATOM, n° 274000, publiée au Recueil) la Haute juridiction estime que les éléments étaient suffisants, en l’absence d’explications de l’étudiant, pour regarder les faits comme établis et pour le sanctionner.
Dès lors, et implicitement, le Conseil d’Etat considère que cette sanction (la plus grave de toutes les sanctions prévues par les articles L. 811-6 et R. 811-11 du code de l’éducation) était justifiée.
En effet, l’article R. 811-11 dresse une liste des sanctions dans un ordre croissant de gravité allant de la plus légère (l’avertissement) à la plus lourde (l’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur).
L’exclusion définitive du système universitaire est donc rarement appliquée puisqu’elle concerne uniquement les faits les plus graves. Le cas soumis au Conseil d’Etat donne donc un exemple d’application de cette sanction.
Entrée à l’université : les contours encore flous de la réforme
Le 03/11/2017
Lors d’une conférence de presse du 30 novembre dernier, le Premier ministre et la ministre de l’enseignement supérieur ont présenté les contours de la future réforme de l’accès à l’université.
Plusieurs axes ont été présentés conduisant – en principe – à la disparition de l’algorithme APB.
En effet, plusieurs changements d’importances ont été décidés pour l’accès aux filières « non sélectives » de l’université :
- Un avis du conseil de classe de terminale sera donné sur les choix de formation effectués par le lycéen, qui devra donc les annoncer dès le début de l’année de terminale.
- La nouvelle application d’affectation sera créée en permettant de déposer moins de candidatures qu’actuellement (limitées à 10 au lieu de 24) qui ne feront l’objet d’aucun classement entre elles et qui seront toutes examinées par les universités.
- Les universités ne seront plus limitées à un choix binaire entre acceptation et refus mais pourront également accepter sous condition les futurs étudiants (proposition d’un parcours personnalisé, préparation intégrée, etc.) ou les mettre sur liste d’attente.
- Une commission sera créée en faisant participer le rectorat, les universités et les lycées pour trouver des propositions d’affectation aux étudiants ne disposant pas de réponses positives, à l’instar de ce qui a été créé récemment pour l’accès en master 1.
Néanmoins, ces axes demeurent flous dans la mesure où la portée de l’avis du conseil de classe n’est pas encore fixée avec précision et où, surtout, les critères de décision des universités quant à la réponse à donner au futur étudiant sont également à déterminer, notamment l’importance des « prérequis » qui a animé les débats de la consultation sur la réforme de l’accès à l’université.
Il est cependant certain que la philosophie du système actuel va être profondément modifiée puisque les futurs étudiants seront encadrés et contrôlés dans leurs choix par le lycée et l’université (même si le degré de cet encadrement est encore à déterminer) alors que jusqu’ici, les élèves étaient parfaitement libres de leurs choix pour les filières universitaires non sélectives. Il en découlera nécessairement une forme de sélection pour les filières pourtant qualifiées de « non sélectives » avec les avantages et inconvénients qui vont avec.
Restera donc à voir quelles seront les solutions finalement retenues par les textes qui seront adoptés dans les prochains mois, lesquels permettront seuls de déterminer l’ampleur des changements à attendre et de la sélection à partir de l’an prochain.
La suspension d’un fonctionnaire, même légale, peut engager la responsabilité de l’administration
Le 16/10/2017
Par une décision n° 390424 du 8 juin 2017, le Conseil d’Etat considère que la suspension d’un chirurgien, pendant huit ans, engage la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’égalité devant les charges publiques.
Il est désormais établi de longue date qu’un acte administratif, même légal, peut engager la responsabilité des personnes publiques au titre de l’égalité devant les charges publiques si cet acte légal crée un préjudice grave et spécial, qui ne peut être regardé comme incombant normalement au requérant (CE, 30 novembre 1923, Couitéas, Rec. 789). Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat applique ce principe ancien au cas de la suspension d’un agent public pendant une durée extrêmement longue eu égard aux conséquences de cette décision.
En effet, dans cette affaire, était en cause la suspension conservatoire d’un fonctionnaire de l’administration hospitalière, et plus précisément un chirurgien, pendant une durée de huit ans.
Ce médecin, ayant été accusé d’homicide involontaire dans le cadre d’un rapport de l’agence régionale d’hospitalisation, a fait l’objet d’une procédure pénale et d’une suspension administrative. La procédure pénale ayant duré huit ans (entre la mise en examen et l’arrêt de relaxe), la suspension a été maintenue dans l’intervalle.
Cette suspension était parfaitement légale comme l’a jugé la cour administrative d’appel dans la mesure où un agent peut être suspendu, à titre conservatoire, s’il est gravement soupçonné d’avoir commis une faute disciplinaire. Si cette faute est liée à une infraction pénale, il est possible de maintenir la suspension pendant toute la durée de la procédure pénale.
Voir, sur le régime de la suspension : La suspension dans la fonction publique, La suspension dans la fonction publique de Nouvelle-Calédonie.
Néanmoins, le Conseil d’Etat considère que la responsabilité sans faute de l’Etat (donc sans illégalité) est engagée dans la mesure où ce praticien n’a pas exercé pendant huit ans, de sorte qu’il a subi « une diminution difficilement remédiable de ses compétences chirurgicales, compromettant ainsi la possibilité pour lui de reprendre un exercice professionnel en qualité de chirurgien ».
En effet, depuis le terme de sa suspension en 2009, l’agent n’a pas retrouvé de poste, l’absence de pratique pendant huit ans étant manifestement un frein à sa reprise d’activité dans un domaine aussi délicat que la chirurgie.
La Haute juridiction considère que ce préjudice grave ne peut être regardé comme « normal[…] » dans la mesure où le praticien n’a été sanctionné ni pénalement, ni disciplinairement.
Le Conseil d’Etat censure donc l’arrêt de la cour administrative d’appel en tant qu’il ne s’est pas prononcé sur le préjudice moral subi du fait de cette rupture dans l’égalité devant les charges publiques.
Pour le tribunal administratif de Bordeaux, la circulaire APB ne règle rien
Le 09/10/2017
Par trois ordonnances (n° 1703771, 1703768, 1703763) du 21 septembre 2017, le juge de référés du tribunal administratif de Bordeaux a considéré que la circulaire APB ajoutait illégalement un critère d’affectation au texte de l’article L. 612-3 du code de l’éducation.
Cette nouvelle ordonnance, qui s’inscrit dans la saga judiciaire qui entoure l’inscription à l’université et, notamment, le tirage au sort effectué via l’application APB, peut donner de l’espoir aux étudiants ne disposant d’aucune affectation à ce jour.
En effet, par une circulaire du 24 avril 2017, le gouvernement a tenté de donner une assise « textuelle » au tirage au sort qui avait été jugé illégal à plusieurs reprises.
Un recours en référé avait été formé contre cette circulaire, lequel avait donné lieu à une décision de rejet par le Conseil d’Etat (voir le billet : Le Conseil d'Etat se prononce sur le référé contre la ciruclaire APB). La Haute juridiction avait considéré qu’il n’y avait pas urgence à ce qu’elle se prononce sur la légalité de cette circulaire et avait renvoyé à la formation de jugement au fond le soin de se prononcer sur la légalité de la circulaire.
Néanmoins, comme cela était probable, le moyen tiré de l’illégalité de la circulaire du 24 avril 2017 (circulaire APB) a été soulevé dans le cadre de référés relatifs à des refus d’admission en première année.
Or, le tribunal administratif de Bordeaux a considéré que le moyen tiré de ce que la circulaire avait illégalement ajouté un nouveau critère (le tirage au sort) aux critères posés par l’article L. 612-3 du code de l’éducation (à savoir le domicile, la situation de famille et les préférences du candidat) était sérieux.
Aussi, il suspend l’exécution de la décision du recteur refusant d’inscrire les requérants et enjoint à l’administration de faire procéder à l’inscription provisoire de ces derniers.
Ainsi, le tribunal estime en substance qu’il est douteux que la circulaire ait pu introduire un critère tiré du tirage au sort dans le cadre de l’affectation à l’université.
Si ce raisonnement n’est pas entièrement partagé par l’auteur de ces lignes (voir l'article : Quel effet pour la circulaire « APB » ?) il n’en demeure pas moins que le système APB est, avant comme après la circulaire, entaché de différentes illégalités, la question de l’assise textuelle du tirage au sort n’étant que l’une des nombreuses questions que pose l’affectation en première année.
Le Conseil d’Etat devrait être amené à se prononcer sur ces ordonnances du tribunal administratif de Bordeaux dans la mesure où la ministre de l’éducation nationale a indiqué qu’un pourvoi serait formé contre ces ordonnances. Cependant, eu égard au délai de jugement devant le Conseil d’Etat, la décision ne devrait pas être rendue avant la rentrée prochaine (sauf à ce que la Haute juridiction décide de se saisir de l’affaire plus tôt).
Le Conseil d'Etat précise les hypothèses de péremption du permis de construire
Le 26/09/2017
Par une décision SCI La Bruyère n° 399405 du 10 mai 2017, les chambres réunies du Conseil d’Etat viennent clarifier l’articulation entre, d’une part, les différents délais de péremption des permis de construire et autres autorisations d’urbanisme (notamment les non-opposition à déclarations préalables) et, d’autre part, les dispositions successives intervenues dans ce domaine.
Concernant l’articulation entre les différents cas de péremption
En effet, l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, qui traite de la péremption des permis de construire a été réécrit par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007.
Plus précisément, l’article R. 421-32 du code de l’urbanisme (issu de l’ancienne numérotation) indiquait avant cela :
« Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. […] ».
Depuis l’intervention du décret du 5 janvier 2007, ces dispositions (désormais codifiées à l’article R. 424-17) indiquent :
« Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de deux ans [trois ans, désormais] à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. […] ».
Ainsi, dans les nouvelles dispositions, les termes « passé ce délai » ont été introduits.
C’est donc principalement sur ce point que le Conseil d’Etat se prononce dans la décision du 10 mai 2017.
Sous l’empire des anciennes dispositions, il avait jugé que les délais de péremption pour absence de commencement des travaux et de péremption pour cessation des travaux pendant plus d’un an n’étaient pas exclusifs l’un de l’autre (CE. SSR. 8 novembre 2000, EURL Les maisons traditionnelles, n° 197505, publiée au Recueil). Autrement dit, le permis de construire pouvait être périmé dans trois hypothèses :
- Si au bout de deux ans à compter de sa délivrance, les travaux n’avaient pas commencé,
- Si dans ce délai de deux ans, les travaux étaient interrompus pendant plus d’un an,
- Si passé ce délai de deux ans, les travaux étaient interrompus pendant plus d’un an.
L’apport de la décision susmentionnée est d’indiquer qu’au vu des dispositions précitées dans leur nouvelle rédaction, la deuxième occurrence de la péremption disparaît.
Plus simplement, cela signifie que désormais, il n’est pas tenu compte des éventuelles interruptions intervenues dans le délai de validité du permis de construire. Dès lors, à titre d’exemple, si les travaux démarrent dès l’octroi de l’autorisation, ils peuvent être interrompus quelques mois plus tard pendant plus d’un an et jusqu’au terme du délai de deux ans (devenu trois ans), sans que cela n’ait d’incidence sur la validité du permis de construire.
Le Conseil d’Etat précise dans la décision SCI La Bruyère que ce n’est que dans l’hypothèse où l’interruption se poursuit pendant plus d’un an à l’expiration du délai de deux ans (devenu trois ans) que le permis de construire est alors périmé.
Ainsi, le Conseil d’Etat effectue une lecture littérale des nouvelles dispositions de l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme, assez favorable au détenteur du permis de construire.
Concernant l’articulation entre les dispositions successives
Dans la décision du 10 mai 2017, le Conseil d’Etat répond à une seconde question, relative à l’articulation entre les différentes dispositions applicables à la péremption des permis de construire.
Il rappelle en effet que l’article R. 424-17 du code de l’urbanisme dans nouvelle rédaction (plus favorable) s’applique aux permis de construire en vigueur à la date du 1er octobre 2007 (article 26 dudit décret).
Cela signifie donc que ces dispositions nouvelles relatives à la péremption sont applicables aux permis de construire et autres autorisations d’urbanisme qui n’étaient pas périmées en vertu de l’ancienne réglementation à la date du 1er octobre 2007. Ainsi, ces dispositions trouvent à s’appliquer aux permis de construire délivrés à compter du 1er octobre 2005 et dont l’exécution n’avait pas été interrompue depuis plus d’un an dans l’intervalle.
De même, le Conseil d’Etat rappelle que le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 venant prolonger d’un an la durée de validité des permis de construire s’applique aux permis de construire qui étaient en vigueur au jour de sa publication (article 2 du décret).
C’est donc au vu de ces principes clarifiés qu’il convient désormais d’appréhender la péremption ou non des autorisations d’urbanisme.
Le tirage au sort APB disparaîtra l'an prochain
Le 05/09/2017
Dans une interview parue ce dimanche dans le JDD, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a indiqué que « la plateforme APB, ce sera terminé l’an prochain ».
Il y a déjà quelques mois, la ministre de l’enseignement supérieur avait déclaré que la disparition du tirage au sort était son « objectif » (Le Parisien, 15 juin 2017, voir sur ce point : Le tirage au sort pour l’entrée à l’université disparaitra-t-il en 2018 ?). Elle va désormais plus loin en s’engageant, cette fois, à faire disparaître le tirage au sort réalisé dans les filières les plus demandées. Elle affirme sur ce point : « Le "tirage au sort", à l'aveugle, dans les filières les plus demandées, sera supprimé en 2018 ».
Les solutions pour faire face à l’accroissement des demandes ne sont toutefois pas exposées avec clarté. En effet, le tirage au sort APB permettait à l’administration de limiter le nombre d’inscrits, le nombre de demandes étant supérieur aux places disponibles.
Il sera donc nécessaire qu’une autre solution soit trouvée.
Or, la ministre laisse entendre qu’une sélection (sans utiliser ce terme) sera instituée en lieu et place du tirage au sort. Cette sélection, qui concernera notamment les élèves des baccalauréats professionnel et technologique, implique un changement profond de la philosophie actuelle de l’université, qui prévoit un libre accès à la première année (article L. 612-3 du code de l’éducation).
Concernant l’année universitaire qui va commencer, la ministre affirme que les rectorats travaillent pour donner une place aux 6.000 étudiants à la recherche d’une université. Il convient de rappeler sur ce point que les rectorats sont en principe tenus d’inscrire les étudiants lorsque les demandes excèdent les capacités d’accueil (article L. 612-3 du code de l’éducation). Aussi, cette recherche n’est donc que l’application de leurs obligations.
La ministre estime qu’ainsi, au 25 septembre, tous les bacheliers devraient avoir une place. Reste donc à voir si ces mesures seront suffisantes pour cette année.
Le 04/09/2017
Par une décision n° 411227 du 8 juin 2017, le juge des référés du Conseil d'Etat estime que l'interdiction adressée à titre conservatoire à un élève de troisième de se présenter à l'établissement dans l'attente de la réunion du conseil de discipline devant se prononcer sur les faits qui lui sont reprochés ne porte pas d'atteinte grave et manifestement illégale au droit à l'éducation.
Plus précisément, le juge des référés du Conseil d'Etat retient, d'une part, que cette décision, par nature conservatoire, ne méconnaît pas le principe de la présomption d'innocence. En effet, dans la mesure où la décision d'interdiction ne se prononce pas sur la culpabilité de l'élève mais se contente de l'éloigner dans l'attente de la décision du conseil de discipline, il est logique qu'elle soit regardée comme étant sans incidence sur la présomption d'innocence.
Cette solution s'inscrit dans la droite ligne de ce que jugent les juridictions administratives à propos des procédures disciplinaires diligentées contre les agents publics. Ainsi, il a pu être jugé que des décisions affectant provisoirement des agents sur d'autres fonctions (CAA Lyon, 18 mars 2014, M. D c. France Télécom, n° 13LY00275), leur demandant de ne plus se rendre sur leur lieu de travail (CAA Paris, 26 juin 2007, Mme Froidurot, n° 05PA01294), leur interdisant de pénétrer dans certains locaux (CAA Versailles, 14 mars 2006, M. Toure, n° 03VE02879) ou leur retirant certaines fonctions (CAA Paris, 28 décembre 2005, Mme Gonnet, n° 02PA02984) étaient légales dès lors qu'elles présentaient un caractère conservatoire.
De même, toujours en matière de fonction publique, il est également prévu par les textes qu'un agent peut être suspendu de ses fonctions dans l'attente d'une sanction (article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983).
Au cas présent, le texte en cause est rédigé de manière similaire dans la mesure où l'article D. 511-33 du code de l'éducation prévoit que le chef d'établissement peut interdire l'accès à un élève en attendant la réunion du conseil de discipline.
Dès lors, les solutions retenues en droit de la fonction publique sont parfaitement transposables dans la mesure où le raisonnement va bien au-delà des relations agents/administration : une mesure provisoire ne se prononce pas sur la culpabilité de la personne concernée et vise uniquement à protéger la sérénité du service public en attendant qu'une décision soit prise.
Aussi, que la personne concernée soit un agent ou un usager du service public (un élève en l'occurrence), le raisonnement doit être le même.
C'est pourquoi, le juge des référés du Conseil d'Etat estime en l'espèce que la décision provisoire ne méconnaît « d'aucune manière » la présomption d'innocence.
D'autre part, le Conseil d'Etat se prononce sur l'éventuelle atteinte portée par cette mesure au droit à l'éducation mais rejette ce moyen.
En effet, il aurait été concevable que le droit à l'éducation, lequel est un droit fondamental, fasse obstacle à tout éloignement de l'élève afin que ce dernier ne soit pas privé de ses enseignements.
Cependant, cette solution n'est pas celle retenue par le Conseil d'Etat. Le juge des référés paraît considérer de manière générale que ce type de mesure ne constitue pas une atteinte manifestement illégale au droit à l'éducation.
Toutefois, cette solution n'est peut-être pas aussi générale qu'il y paraît dans la mesure où le juge relève qu'en l'espèce, des mesures ont été prises que ses cours soient transmis à l'élève sous forme dématérialisée. Dès lors, même si ce dernier n'a pu assister aux cours, il n'a pas été privé de son droit à l'éducation. En outre, le juge mentionne que les cours se sont terminés le 10 juin 2017, soit quinze jours après la mesure litigieuse. De la sorte, la mesure a porté sur une période relativement brève et n'a pas empêché l'élève se suivre les cours.
Ainsi, le juge des référés du Conseil d'Etat considère que la décision provisoire d'éloignement prise par la proviseure du collège ne fait pas obstacle à l'exercice du droit à l'éducation.
Le 21/08/2017
Par un arrêt du 15 mai 2017 (n° 16MA03636), la cour administrative d’appel de Marseille rappelle le principe de l’absence de sélection en première année de licence et indique que ce principe s’applique également aux étudiants titulaires de diplômes étrangers.
En effet, la cour rappelle que les articles L. 111-1, L. 111-5, L. 612-1 et L. 612-3 du code de l’éducation posent le principe d’un accès à la première année de licence sans condition autre que l’obtention du baccalauréat (ou bien son équivalent ou sa dispense).
Appliquant ce principe à l’espèce, elle censure la décision de l’université d’Aix-Marseille de refuser l’accès à la première année de licence à un étudiant disposant d’un diplôme du baccalauréat marocain, cette décision étant motivée par les notes insuffisantes obtenues à ce diplôme.
Plus précisément, dans la mesure où l’étudiant disposait du diplôme d’accès aux études universitaires françaises, il remplissait la seule condition posée par les textes et ne pouvait donc se voir opposer de refus. C’est la raison pour laquelle le refus d’admission, fondé sur les notes insuffisantes de l’étudiant, est jugé illégal.
La cour relève sur ce point :
« 3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que l'accès à la première année de licence n'est subordonnée à aucune autre condition que celle d'être titulaire du baccalauréat, et est ouvert à ceux qui ont obtenu l'équivalence ou la dispense de ce grade ; que M. E..., admis en juillet 2010 aux examens du baccalauréat au Maroc, et titulaire du diplôme d'accès aux études universitaires françaises, remplissait les conditions d'accès précitées ; que, par suite, le président de l'université d'Aix-Marseille ne pouvait légalement fonder la décision de refus d'inscription en litige sur le motif tiré de l'insuffisance des résultats de l'intéressé ; que si l'université d'Aix-Marseille fait valoir que la demande d'inscription de M. E... était tardive, il ressort des pièces du dossier que la demande d'inscription en double cursus, datée du 29 septembre 2013, n'était tardive qu'à l'égard de sa demande d'inscription en licence en droit, qui a été autorisée par l'université ».
Dès lors, le principe du libre accès en première année de licence s’applique bien à tout étudiant disposant du diplôme nécessaire, qu’il soit français ou étranger.
Le 16/08/2017
Par un arrêt du 13 juillet 2017 (n° 15MA02914), la cour administrative d’appel de Marseille se prononce sur la répartition des compétences entre un président d’université et un directeur d’IUT (institut universitaire de technologie) relevant de cette université pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle.
En effet, dans cette affaire, une agent travaillant au sein d’un IUT de l’université de Nice Sophia-Antipolis avait demandé la protection fonctionnelle de son administration à la suite d’agissements au sein de l’IUT. Aussi, se posait la question de la compétence pour se prononcer sur cette demande : le directeur d’IUT ou le président d’université.
La rédaction de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 relatif à la protection fonctionnelle des agents publics est, sur ce point, peu claire. Le texte dispose que la protection des agents publics est « organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause », étant rappelé qu’antérieurement à la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, le texte prévoyait de façon quelque peu évasive que la protection était « organisée par la collectivité publique dont [les agents] dépendent ».
Au cas présent, il était donc nécessaire de déterminer quelle administration « emplo[yait] » l’agent en question.
Plus précisément, les IUT disposent, en vertu de l’article L. 713-9 du code de l’éducation, de l’autonomie financière et ont leur administration propre (conseil élu et directeur). Ces instituts sont donc distincts des universités auxquels ils sont rattachés.
Néanmoins, malgré cette autonomie, les IUT ne disposent pas en principe de la personnalité morale de sorte qu’ils ne constituent pas réellement une administration distincte de celle de l’université.
C’est la raison pour laquelle la cour estime que le président de l’université était bien compétent pour se prononcer sur la demande de protection fonctionnelle (même si la cour n’explique pas son raisonnement).
Elle juge en effet :
« 4. Considérant que les faits pour lesquels Mme F..., maître de conférence à l'université de Nice Sophia-Antipolis, a sollicité le bénéfice des dispositions précitées, se sont produits à l'occasion de l'exercice de ses fonctions à l'IUT de Nice qui dépend de cette université ; que, par suite, Mme F... relève, pour l'application de ces dispositions, de l'université de Nice Sophia-Antipolis, sans que puisse y faire obstacle la circonstance qu'elle est affectée à l'IUT rattaché à cette université et que le directeur de l'IUT ait eu la qualité d'ordonnateur ; qu'ainsi, il appartenait bien au président de l'université, auquel les dispositions de l'article L. 712-2 du code de l'éducation confèrent autorité sur l'ensemble des personnels de l'université et auquel elle s'était spontanément adressée, de statuer sur la demande de protection fonctionnelle formulée par l'intéressée ; que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ».
Il convient donc de retenir qu’un agent d’un IUT relève, pour la protection fonctionnelle comme pour le reste, du président de l’université.
Le rapport du médiateur de l’éducation rendu public le 29 juin 2017 s’intéresse à l’application APB
Le 16/07/2017
Dans son rapport rendu public le 29 juin 2017 au titre de l’année 2016, le médiateur de l’éducation consacre l’une de ses deux parties à l’orientation post-bac et à l’application APB. Plus précisément, il fait état des saisines qu’il a reçus, effectue un bilan de l’application APB et énumère un certain nombre de recommandations pour améliorer le fonctionnement du système.
Ainsi, il invite notamment l’administration à améliorer la transparence de l’application et souligne les incompréhensions des élèves et parents face à ce système complexe.
Néanmoins, le médiateur impute l’essentiel des dysfonctionnements à la compréhension du système par les élèves sans relever l’étrangeté de certaines des règles de l’application APB.
En effet, s’il mentionne l’existence d’un tirage au sort, il n’en remet en cause ni le principe ni les modalités, alors que cette méthode est unanimement décriée par les universités et les bacheliers, pourtant principaux intéressés par l’admission à l’université.
En outre, et surtout, il n’aborde pas les règles spécifiques d’APB en Ile-de-France, lesquelles imposent aux candidats de solliciter 6 formations en tension pour ne pas être exclus du tirage au sort prioritaire sur les filières à capacité d’accueil limitée qu’ils demandent, règle dont l'existence pourtant attestée par le rapport de l’inspection générale de l’administration de janvier 2016 (voir sur ce point : La présélection par l’application APB est illégale).
Aussi, et malgré le travail certain effectué par le médiateur de l’éducation, il est dommageable que ces thèmes n’aient pas été abordés. En effet, le sentiment ressortant de son rapport est, in fine, que le système fonctionne bien mais que l’information entourant APB doit être améliorée ainsi que certains paramètres de l’application.
Dès lors, le rapport apparaît, par son silence, décevant.
Le 05/07/2017
Jusqu’ici, si les limites et dérives du système APB d’admission à l’université ont été à de nombreuses reprises dénoncées par les étudiants et les universités, le lycée paraissait épargné par les dysfonctionnements rencontrés à l’université. Rappelons que ces dysfonctionnements conduisent dans la pratique à ce que de nombreux bacheliers ne puissent pas s’inscrire à l’université.
Néanmoins, cette année, le système « Affelnet » qui centralise les demandes d’admission des collégiens vers le lycée et affecte ces élèves montre lui aussi ses faiblesses.
En effet, sur l’académie de Paris, plusieurs centaines de collégiens seraient actuellement sans affectation après l’étude des trois choix de ces derniers.
Restera donc à voir si, à la différence de ce qui se passe chaque année pour APB, les dysfonctionnements d’Affelnet seront rapidement traités afin d’éviter la même situation de blocage.
Les filières à « pastille verte » apparemment concernées par le tirage au sort
Le 27/06/2017
Alors que la deuxième phase d’admission APB vient de commencer, de nombreux étudiants, suivis par leurs chefs d’établissement, constatent que des filières à « pastille verte » font l’objet d’un tirage au sort.
En effet, les filières sont réparties sur l’application APB entre les « pastilles vertes » et les « pastilles oranges ». Ce code couleur recouvre donc en principe le partage entre filières à capacité d’accueil limitée (oranges) dont le nombre de places disponibles est fixé à l’avance par l’université et les filières ouvertes (vertes) pour lesquelles il n’existe pas de nombre limite de places disponibles.
Toutefois, les élèves et leurs chefs d’établissements ont pu constater qu’en réalité, des filières à « pastilles vertes » étaient affectées d’un nombre de places limitées et qu’un tirage au sort était réalisé.
Cet élément a été confirmé par le ministère de l’enseignement supérieur, lequel a en minimisé l’impact en indiquant que seules 55 filières à « pastilles vertes » étaient concernées par le tirage au sort.
Il n’en demeure pas moins que cette pratique est étonnante puisqu’en principe le tirage au sort n’est réalisé que dans l’hypothèse où la filière dispose de capacités d’accueil limitées. Or, les capacités d’accueil, si elles sont limitées, sont fixées avant la réception des candidatures.
En effet, les capacités d’accueil sont proposées par les conseils d’UFR, soumises à l’avis du conseil académique et arrêtées par le président de l’université ou son conseil d’administration.
Ce processus long a donc lieu avant les inscriptions et les résultats APB.
Dans ces conditions, le constat effectué par les futurs bacheliers et leurs enseignants ne peut avoir que deux sens :
- Soit l’application indique, à tort, en « pastilles vertes » des filières à capacités d’accueil limitée.
- Soit les universités ont, au cours des inscriptions, fixé des limites aux capacités d’accueil sans que le processus prévu soit respecté.
Dans tous les cas, cela signifie que les futurs étudiants, déjà perturbés par le système APB particulièrement obscure (voir notamment sur ce point : La présélection par l’application APB est illégale), ont été induits en erreur, ceux-ci pensant être assurés d’obtenir une affectation en sélectionnant une filière à « pastille verte » alors que, de toute évidence, tel n’était pas le cas.
Le tirage au sort pour l’entrée à l’université disparaitra-t-il en 2018 ?
Le 22/06/2017
Lors de sa première interview, la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a évoqué longuement la question du tirage au sort pour l’entrée à l’université et, plus généralement, les difficultés rencontrées par les universités (manque de moyens et augmentation des effectifs).
En effet, ce tirage au sort est à l’origine de nombreux refus d’admission, jugés injuste par les étudiants.
Interrogée plus spécifiquement sur la question du tirage au sort effectué par l’application APB, la ministre a affirmé que sa disparition était son « objectif », avant d’ajouter : « c’est aussi le but que nous nous sommes fixé avec les représentants des étudiants et des présidents d’université. Il y a un consensus autour de cette question. Le tirage au sort est un système dont on ne peut se satisfaire, c’est le plus injuste qui soit » (Le Parisien, 15 juin 2017).
Ainsi, la disparition du tirage au sort est un objectif sans que la ministre ait pris d’engagements précis sur ce point.
Restera donc à demeurer attentifs à l’issue qui sera donnée aux discussions entre le ministère, les universités et les représentants des étudiants pour la rentrée 2018-2019.
Pour aller plus loin :
Les recours contre les autorisations d'urbanisme en Nouvelle-Calédonie doivent être notifiés
Le 21/06/2017
L'article R. 600-1 du code de l'urbanisme est applicable en Nouvelle-Calédonie
CE. Avis. ch. réu. 22 février 2017, Mme Garcia, n°404007, publiée au Recueil
En vertu de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme métropolitain, les recours contentieux dirigés contre un certificat d’urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permis de construire, d’aménager ou de démolir, doivent être notifiés à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation dans les 15 jours de l’introduction du recours.
A défaut de respecter cette obligation de notification, le recours contre l’autorisation d’urbanisme est jugé irrecevable.
Or, jusqu’ici, il avait été jugé sous l’empire de la loi organique du 19 mars 1999, que ces dispositions n’étaient pas applicables en Nouvelle-Calédonie (CE. SSR. 27 avril 2011, SARL Attitude, n° 312093, mentionnée aux tables).
En effet, le Conseil d’Etat avait rappelé que les textes « cités en les reproduisant » du code de justice administrative n’étaient applicables en Nouvelle-Calédonie qu’à condition que les textes reproduits soient eux-mêmes applicables. Le code de l’urbanisme n’étant pas applicable en Nouvelle-Calédonie, l’obligation de notification n’était pas non plus applicable, quand bien-même cette règle était reproduite dans le code de justice administrative.
Toutefois, dans l’avis Mme Garcia du 22 février 2017, la haute juridiction revient à double titre sur cette position.
D’une part, elle rappelle que depuis la loi organique du 3 août 2009, il est expressément prévu que les dispositions relatives à la procédure administrative contentieux sont applicables en Nouvelle-Calédonie. L’obligation de notification étant une règle de procédure administrative contentieuse, elle est donc applicable depuis 2009 en Nouvelle-Calédonie.
D’autre part, dans cet avis, le Conseil d’Etat revient sur la position adoptée avant l’entrée en vigueur de la loi organique du 3 août 2009. Toutefois, les raisons de ce revirement de jurisprudence ne sautent pas aux yeux à la lecture de l’avis. Elles sont, en revanche, explicitées par les conclusions Crépey.
En effet, le Conseil d’Etat considère que, même avant 2009, les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme étaient applicables dans la mesure où le décret du 4 mai 2000, outre l’adoption de la partie réglementaire du code de justice administrative, modifiait l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. Or, le décret du 4 mai 2000 prévoyait en son article 6 qu’il était lui-même applicable en Nouvelle-Calédonie. Dès lors, l’article 4 du décret étant relatif à l’obligation de notification, le Conseil d’Etat en déduit que cet article 4 était applicable en Nouvelle-Calédonie.
Quelles que soient les critiques que l’on peut adresser à cette dernière partie du raisonnement, il n’en demeure pas moins que, depuis l’intervention de la loi organique du 3 août 2009, l’obligation de notification touche tous les recours contre des autorisations d’urbanisme en Nouvelle-Calédonie.
Par conséquent, les recours pendant devant le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ou la cour administrative d’appel de Paris contre des autorisations d’urbanisme sont irrecevables en l’absence de notification.
Désormais, et pour l’avenir, il conviendra donc de procéder à la notification des recours dans les conditions prévues par le code de l’urbanisme métropolitain.
Le CSA sanctionne C8 et "Touche pas à mon poste"
Le 12/06/2017
Par deux décisions du 7 juin 2017, le CSA a sanctionné la chaine C8 pour des séquences diffusées dans l’émission « Touche pas à mon poste » par deux interdictions de diffuser des publicités pendant respectivement 15 jours et une semaine pendant l’émission en question et dans les 15 minutes précédant et suivant cette émission.
Ces deux sanctions ne sont pas relatives, comme l’on pourrait le croire, à la séquence diffusée il y a quelques semaines au cours de laquelle un jeune homme a été piégé sur un site de rencontres homosexuelles, laquelle a donné lieu à une certaine émotion. En effet, ces sanctions sont relatives à des faits plus anciens, qui avaient également attiré l’attention du public et des médias.
Il s’agit de deux séquences :
- La première diffusée le 3 novembre 2016 au cours de laquelle l’un des chroniqueurs a été contraint (en caméra caché) d’endosser des violences (simulées) par l’animateur (Cyril Hanouna) avant d’apprendre lors de l’émission qu’il ne s’agissait que d’une mise en scène, révélation qui a placé le chroniqueur dans une situation de détresse pendant toute l’émission.
- La seconde diffusée le 7 décembre 2016 au cours de laquelle Cyril Hanouna a pris la main d’une de ses chroniqueuses en lui demandant de deviner les yeux fermés, sur quelle partie de son corps se trouvait sa main (cette main finissant, bien entendu, sur son sexe).
Ce délai entre les événements et leur sanction peut paraître long. Néanmoins, il s’explique par la nécessité pour le CSA de respecter une procédure contradictoire avant de prononcer les sanctions.
En effet, la loi du 30 septembre 1986 prévoit le respect d’une procédure contradictoire semblable à celle d’une procédure pénale (article 42-7 de ladite loi). En effet, le CSA disposant d’un pouvoir de sanction quasi-pénal, il doit respecter le procès équitable prévu par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, comme toutes les autorités administratives indépendantes.
Dans ces deux décisions, le CSA retient le manquement de la chaine C8 à ses obligations et la sanctionne de ce fait. Plus précisément, il rappelle :
- Les mises en demeure des 30 mars 2010 et 1er juillet 2015,
- Le manquement grave aux obligations de la chaine, celle-ci ayant permis la diffusion d’images « susceptibles d’humilier les personnes », le chroniqueur, régulièrement moqué, ayant été montré pendant tout l’émission dans une situation de détresse et de vulnérabilité manifestes,
- Le manquement grave à l’obligation de veiller à l’image des femmes, la chroniqueuse ayant été placée dans une situation « dégradante » et véhiculant une « image stéréotypée des femmes », cette scène donnant en outre l’impression qu’en telle situation le consentement n’était pas nécessaire, alors que l’émission rencontre un écho particulier auprès du jeune public et que la séquence n’a pas eu lieu en direct de sorte que sa diffusion résulte d’un choix délibéré.
Au vu de ces éléments, le CSA inflige une sanction à la chaine C8.
Toutefois, la sanction prise est relativement légère dans l’échelle de sanction prévue par l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986. En effet, ce texte prévoit l’échelle suivante (par ordre croissant de sévérité) :
- Suspension de la diffusion du service, d’une catégorie de programmes, d’une partie d’un programme ou de séquences publicitaires pendant maximum un mois (qui est la sanction appliquée),
- Réduction de la durée de l’autorisation de diffuser d’un an maximum,
- Sanction pécuniaire assortie, le cas échéant, d’une suspension de la diffusion du service ou d’une partie des programmes,
- Retrait de l’autorisation de diffuser.
Il doit également être indiqué que la chaine C8 peut former un recours contre ces sanctions devant le Conseil d’Etat (article 42-8 de la loi du 30 septembre 1986).
Restera donc à voir si la chaine fera usage de cette possibilité.
Le Conseil d'Etat se prononce sur le référé contre la ciruclaire APB
Le 09/06/2017
Le 2 juin 2017, à quelques jours de la première phase d’admission post-bac, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur le référé formé par les associations « SOS Education » et « Promotion et défense des étudiants » (Voir l'ordonnance). Ce recours avait pour but de faire suspendre, en urgence, l’application de la circulaire n° 2017-077 dite « APB » du 24 avril 2017 (Voir l'article relatif à la circulaire « APB »).
En effet, cette circulaire a pour finalité de donner une assise textuelle au tirage au sort effectué par APB très décrié par les étudiants et censuré par les juridictions administratives (Voir l'article relatif au tirage au sort).
C’est la raison pour laquelle ces associations d’étudiants avaient formé un recours au fond et un recours en référé (urgence), afin d’empêcher l’application de cette circulaire qui vise, en pratique, à limiter les recours contre les refus d’admission APB.
Néanmoins, dans l’ordonnance du 2 juin 2017, le Conseil d’Etat refuse de se prononcer sur la légalité de la circulaire. En effet, il estime que la condition d’urgence lui permettant de se prononcer n’est pas remplie dans la mesure où, d’une part, il relève de l’« intérêt public » que la réglementation prévue par l’article L. 612-3 du code de l’éducation soit adoptée (aucun règlement n’ayant été adopté malgré l’ancienneté de la loi) et, d’autre part, le bref délai séparant sa décision de l’issue de la premier phase d’admission empêcherait le ministre de l’éducation d’adopter une autre réglementation dans l’intervalle.
Il en déduit donc que l’intérêt public s’oppose à ce qu’il se prononce en urgence sur la légalité de la circulaire.
Autrement dit, la circulaire restera en vigueur jusqu’à ce que le Conseil d’Etat se prononce au fond (dans un à deux ans) et la Haute juridiction ne donne, d’ici-là, aucun indice sur la légalité ou l’illégalité de la circulaire APB.
En pratique, cela signifie qu’il reportera sur les juridictions du fond le soin de se prononcer sur la légalité et l’opposabilité de cette circulaire.
En effet, comme les années précédentes, des recours seront immanquablement formés contre les refus d’admission APB par les étudiants malheureux à la suite du tirage au sort. Or, dans le cadre des procédures d’urgence que lanceront les étudiants, ces derniers contesteront nécessairement la légalité et l’opposabilité de la circulaire visant à donner une assise au tirage au sort.
Il aurait donc été préférable que le Conseil d’Etat prenne sa responsabilité de juridiction régulatrice et tranche cette question qui sera posée à de nombreuses juridictions du fond.
Date de dernière mise à jour : 17/10/2024