Urbanisme 9

Les « manquements » d’un architecte, dans sa vie privée, à la déontologie des architectes peuvent être sanctionnés par la chambre de discipline

Le 06/01/2025

Il est nécessaire de rappeler que comme d’autres professions réglementées (et également les fonctionnaires) les manquements éventuels à la déontologie commis par un architecte dans sa vie privée peuvent conduire à des sanctions disciplinaires.

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Bien entendu, cela ne peut pas porter sur absolument tous les aspects de la vie privée.

Mais cela peut, par exemple, pour un architecte, porter sur le comportement à l’occasion de travaux réalisés par l’architecte dans sa vie personnelle.

Une affaire jugée il y a quelques temps par la Chambre nationale de discipline des architectes en donne un bon exemple (CNDA, 19 juillet 2023, n° 2022-258).

  • Les faits

Dans cette affaire, l’architecte avait réalisé à titre personnel des travaux de structures dans son appartement pour créer un plancher supplémentaire, sans demander l’autorisation de sa copropriété ou de la copropriété voisine.

Ces deux copropriétés avaient alors saisi le juge des référés qui avait ordonné l’arrêt des travaux et leur suppression, sans que cette ordonnance soit suivie d’effet par l’architecte.

Le conseil régional de l’ordre des architectes (CROA), probablement informé par l’une ou l’autre des copropriétés via une plainte (voir l’article : Comment fonctionne la discipline des architectes ?) avait lancé des poursuites devant la chambre régionale de discipline.

L’architecte avait alors été sanctionné par une suspension de 12 mois sans sursis.

Un appel avait été interjeté par l’architecte devant la Chambre nationale de discipline des architectes qui avait donc plusieurs questions à régler.

  • L’article 12 du code de déontologie est-il applicable à la vie privée ?

Pour rappel, le code de déontologie des architectes dispose en son article 12 :

« L'architecte doit assumer ses missions en toute intégrité et clarté et éviter toute situation ou attitude incompatibles avec ses obligations professionnelles ou susceptibles de jeter un doute sur cette intégrité et de discréditer la profession.

Pendant toute la durée de contrat, l'architecte doit apporter à son client ou employeur le concours de son savoir et de son expérience. ».

C’était sur le fondement de cet article que l’architecte avait été condamné par la chambre régionale de discipline.

Or, l’on pouvait effectivement s’interroger sur la possibilité de sanctionner un architecte au visa de ce texte étant donné qu’il traite a priori des relations professionnelles entre l’architecte et son client.

Toutefois la Chambre nationale de discipline a considéré en se fondant également sur l’article 41 du décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 que ce comportement dans la vie privée de l’architecte pouvait être sanctionné sur le fondement de l’article 12 du code de déontologie.

Si ce raisonnement paraît assez discutable concernant l’article 12 du code de déontologie, il ne le paraît un peu moins concernant l’article 41 du décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977, même si cela paraît contestable.

En effet, cet article dispose de manière assez générale :

« Toute violation des lois, règlements ou règles professionnelles, toute négligence grave, tout fait contraire à la probité ou à l'honneur commis par un architecte, y compris dans le cadre de l'exercice actuel ou passé d'un mandat de conseiller régional ou de conseiller national peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire. ».

Cet article ne limite donc pas expressément les manquements à l’honneur ou à la probité aux seules activités professionnelles de l’architecte puisqu’il fait état de « toute violation ».

Toutefois, l’esprit de ce texte laisse plutôt penser qu’il s’agit du comportement de l’architecte dans sa vie professionnelle puisqu’il est bien précisé que ces obligations sont imposées également dans le cadre des mandats au conseil régional de l’Ordre et au conseil national de l’Ordre. Si cette précision est faite, c’est bien que le texte cherche à couvrir tous les aspects de la vie professionnelle, même élective.

Cependant, la Chambre nationale de discipline des architectes en a eu une lecture extensive.

  • Quels manquements ont été commis en l’espèce ?

La Chambre nationale de discipline des architectes a donc considéré au visa de ces textes que l’architecte avait, d’une part, méconnu la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété et, d’autre part, commis « une négligence grave dans l'exercice des missions de l'architecte » qui étaient contraires « à l'obligation d'exercer en toute intégrité et clarté à l'égard de deux syndicats de copropriétaires », « susceptibles de discréditer la profession vis-à-vis de tiers ».

Ainsi, la Chambre a retenu que l’architecte devait, dans sa vie personnelle, faire preuve d’intégrité et de clarté (obligations manifestement issues de l’article 12 du code de déontologie) à l’égard des syndicats de copropriétaires, faute de quoi il risquait de discréditer la profession.

S’il n’est absolument pas douteux que, dans un cadre professionnel, un tel comportement aurait justifié une sanction, il apparaît plus discutable que ce comportement, dans la vie privée, puisse faire l’objet d’une sanction déontologique de la part de la Chambre nationale de discipline des architectes.

Il n’en demeure pas moins que tel est en l’état actuel la jurisprudence de la Chambre nationale de discipline des architectes qui serait probablement confirmée par le Conseil d’Etat s’il en était saisi.

  • La sanction infligée est cependant relativement légère

La sanction infligée à l’architecte est cependant relativement « légère » étant donné les standards de la Chambre nationale de discipline des architectes.

En effet, comme indiqué en introduction, la chambre régionale avait sanctionné l’architecte d’une suspension de 12 mois sans sursis.

La Chambre nationale a en revanche infligé une sanction beaucoup plus légère en limitant la suspension à 3 mois et en l’assortissant de sursis. Autrement dit, l’architecte ne se verra infligé cette suspension que s’il est sanctionné à nouveau ultérieurement.

Cette sanction est donc relativement « légère » pour la Chambre nationale de discipline des architectes étant donné sa jurisprudence et l’on peut supposer que la circonstance que ces événements aient eu lieu dans la vie privée de l’architecte a joué dans la relative clémence de la Chambre.

  • Conseils pratiques

Il est donc nécessaire pour les architectes, lorsqu’ils entreprennent des travaux à titre personnel de bien respecter les dispositions d’urbanisme, le code civil et la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété.

Faute de quoi, ils s’exposent à des poursuites disciplinaires de la part de leur Ordre.

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