Fonction 13

Les droits de l'architecte devant la commission de déontologie

Le 15/09/2022

Il apparaîtrait, de prime abord, logique, lorsque l’architecte est entendu par le conseil de l’ordre en vue du dépôt d’une plainte par le conseil contre lui devant la chambre régionale de discipline des architectes, que celui-ci soit informé que ses propos pourront être exploités dans la plainte du conseil de l’ordre et qu’il peut se faire assister par un avocat.

Bouton

En effet, même si l’audition d’un architecte devant la commission de déontologie est purement administrative, il n’en demeure pas moins qu’en pratique, cette phase sert justement au conseil de l’ordre à préparer sa plainte.

La phase administrative devant la commission de déontologie n’est donc pas neutre puisque c’est elle qui déterminera si le conseil de l’ordre va ou non déposer une plainte devant la chambre régionale de discipline des architectes. Et si le conseil de l’ordre dépose une plainte, il utilisera les éléments recueillis dans le cadre de la commission de déontologie.

Cependant, le Conseil d’Etat considère que l’architecte n’a ni à être informé qu’il peut être assisté par un avocat devant la commission de déontologie, ni que ses propos pourront être utilisés dans la plainte devant la chambre de discipline (CE. CHR. 12 novembre 2020, n° 428931, mentionnée aux tables).

Cette position, très défavorable à l’architecte entendu par la commission de déontologie, de se fonde sur deux éléments distincts :

● D’une part, le Conseil d’Etat considère que cette information n’est imposée par aucun texte.

Certes, les obligations d’informations posées par code des relations entre le public et l’administration ne s’appliquent qu’aux autorités en charge des sanctions (ce qui n’est pas le cas de la commission de déontologie qui ne prononce pas les sanctions elle-même) et le décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977 ne s’applique qu’à la procédure devant les chambres de discipline des architectes (voir, à propos de ce décret l’article Comment fonctionne la discipline des architectes ?).

De la sorte, aucun texte n’impose formellement que l’architecte se voit transmettre ces informations.

● D’une part, le Conseil d’Etat considère que les droits de la défense consacrés par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme s’appliquent seulement à compter de la saisine de la chambre de discipline des architectes, ils ne s’appliquent pas à la phase « préalable » sauf si la phase préalable porte « par avance une atteinte irrémédiable aux droits de la défense des personnes »

Cette formulation est reprise dans différentes décisions du Conseil d’Etat (ex : CE. SSR. 15 mai 2013, Société Alternative Leaders France, n° 356054, mentionnée aux tables).

Elle se fonde sur l’idée développée par la Cour européenne des droits de l’homme selon laquelle les droits de la défense s’apprécient de manière globale sur l’ensemble de la procédure.

De plus, pour la Cour l’accusation n’est pas toujours soumise aux mêmes obligations que la juridiction ayant à connaître ultérieurement (ex : en matière de présomption d’innocence CEDH, 23 février 2018, Haarde c. Islande, n° 66847/12).

Cependant, la difficulté est ici, et justement, que l’architecte convoqué devant la commission de discipline ne sait pas (dans la plupart des cas) qu’il se trouve en réalité devant une sorte de « procureur » qui va décider s’il sera soumis à des poursuites et pourquoi.

Ainsi, la position du Conseil d’Etat part d’un postulat de base qui ne tient pas compte de la réalité des faits : un professionnel (en l’occurrence un architecte) n’a pas une connaissance poussée de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 et du décret n° 77-1481 du 28 décembre 1977.

Il ne sait donc pas nécessairement qu’il est devant l’autorité en charge de l’accusation quand il se rend à une convocation de la commission de déontologie, celle-ci n’étant pas dénommée « commission d’accusation ».

Dès lors, et dans ces conditions, comment considérer que l’absence totale d’information ne porte pas irrémédiablement atteinte aux droits de la défense ? En effet, l’architecte, sans avocat, n’aura pas la distance nécessaire lui permettant de comprendre qu’il se trouve face à un son « procureur » et ne pourra pas, à titre d’exemple, penser à conserver le silence.

La position du Conseil d’Etat est donc particulièrement critiquable. Et ce, d’autant que le fait d’informer l’architecte du droit de se faire assister par un avocat et de ce que l’audition peut mener à une procédure de sanction, n’apparaît pas comme une obligation très lourde pour les conseils régionaux de l’ordre des architectes.