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Aussi, la reconnaissance du relogement des déplacés d’Ukraine comme une politique locale de l’habitat mérite que l’on s’y arrête puisqu’elle donne un exemple de ce cas d’ouverture du droit de préemption.
Dans cette affaire (CE. CHR. 13 octobre 2023, n° 468694, mentionnée aux tables), était en cause la préemption par la ville de Cannes de différents lots en vue d’y loger des déplacés d’Ukraine.
Un recours avait alors été formé contre cette décision et le tribunal administratif avait estimé, en référé, que cette opération ne correspondait pas aux actions ou opérations énumérées à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme.
Toutefois, en cassation, le Conseil d’Etat a censuré ce raisonnement en estimant que l’opération relevait de la « politique locale de l’habitat ».
Pour ce faire, il a rappelé qu’une décision d’exécution du Conseil (de l’Union européenne) du 4 mars 2022, prise sur le fondement de la directive 2001/55/CE du 20 juillet 2001 (laquelle porte sur les normes en cas d’afflux massif de personnes déplacées) a constaté un afflux massif de déplacés d’Ukraine, de sorte que leur relogement peut s’inscrire dans le cadre d’une « politique locale de l’habitat ».
Ainsi, le Conseil d’Etat a pris bien soin de justifier sa position par les décisions prises au niveau européen.
A la différence de la construction de logements sociaux qui relève « par nature » de la politique locale de l’habitat (CE. SSR. 2 novembre 2015, Commune de Choisy-le-Roi, n° 374957, mentionnée aux tables ; CE. CHR. 30 juin 2023, n° 464324, mentionnée aux tables ; CE. CHR. 30 juin 2023, n° 468543, mentionnée aux tables), le relogement n’est pas « par nature » une politique locale de l’habitat.
En effet, le relogement « peut » participer d’une politique de l’habitat mais ne relève pas « par nature » d’une politique de l’habitat.
C’est d’ailleurs pour cela que, par le passé, le Conseil d’Etat avait considéré qu’une préemption réalisée en vue de reloger des personnes évincées de leur habitation en raison d’une opération d’aménagement n’entrait pas dans les prévisions de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme (CE. SSR. 3 décembre 2007, Commune d’Achères, n° 305974).
En effet, le Conseil d’Etat avait estimé que le relogement devait intervenir dans le « cadre d’une politique locale de l'habitat impliquant le développement organisé d'une offre de logements adaptée aux besoins propres de chaque catégorie de population ».
Cette formule, quelque peu sibylline, montrait en tout cas que le relogement ne pouvait pas être considéré comme relevant de la politique locale de l’habitat s’il ne s’inscrivait pas dans une opération lourde d’ensemble, comme le renouvellement profond d’un quartier.
Aussi, le relogement ne paraissait pas, de prime abord, comme une terre d’élection de la préemption.
C’est sans doute ce qui explique que dans l’affaire ici rapportée, le tribunal avait estimé que le relogement des déplacés d’Ukraine ne relevait pas d’une politique locale de l’habitat, cette opération ne s’inscrivant manifestement pas dans le « développement organisé d'une offre de logements adaptée aux besoins propres de chaque catégorie de population ».
Néanmoins, ce n’est pas ce qu’a considéré le Conseil d’Etat.
Sa décision a sans doute été en partie guidée par des considérations d’opportunité, à savoir qu’il apparaitrait délicat politiquement de considérer que le relogement des déplacés d’Ukraine ne justifie pas le recours au droit de préemption urbain.
Aussi, il est probable que cette décision soit en réalité une décision d’espèce, qui n’apporte que peu à la définition de la « politique locale de l’habitat » et ne facilite pas, à l’avenir, l’utilisation du droit de préemption dans un but de relogement.
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