Par une décision n° 421050 du 29 novembre 2019, le Conseil d’Etat estime qu’il n’est pas possible de fonder un refus de naturalisation sur une maladie, un handicap, ou sur l’insuffisance des ressources du demandeur, si cette insuffisance résulte de son handicap.
Cette affirmation de principe constitue une avancée mais montre, d’emblée, ses limites.
En effet, la question du handicap dans la naturalisation a fait l’objet de quelques décisions de principe par le passé.
● Ainsi, dans un premier temps, le Conseil d’Etat avait considéré qu’il était possible de tenir compte de l’état de santé du demandeur pour refuser sa naturalisation mais pas de se fonder exclusivement sur son handicap si ce dernier n’avait pas d’incidence sur son intégration notamment professionnelle (CE. SSR. 26 septembre 2001, Ministre de l’emploi c. Mme Farida X, n° 206486, mentionnée aux tables).
Autrement dit, à cette époque, il était possible de se fonder sur le handicap d’une personne pour refuser sa naturalisation si ce handicap l’empêchait de travailler et donc de « s’intégrer » professionnelle.
Cette position était donc assez discriminatoire mais constituait une petite avancée par rapport à l’état du droit antérieur qui permettait une totale discrimination.
● Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat a jugé que l’administration ne pouvait se fonder, pour rejeter une demande de naturalisation, exclusivement sur le handicap d’une personne ou sur la circonstance que cette dernière ne disposait pas de revenus propres et vivait uniquement des aides liées à son handicap (CE. SSR. 11 mai 2016, n° 389399, mentionnée aux tables).
● La décision commentée constitue le troisième temps du raisonnement.
En effet, dans cette décision, le Conseil d’Etat :
▪ D’une part, fait disparaître le terme « exclusivement » de sa jurisprudence antérieure. Plus précisément, il pouvait être déduit de la rédaction antérieure des décisions que si l’administration ne pouvait pas se fonder « exclusivement » sur le handicap d’une personne pour justifier un refus de naturalisation, cet élément pouvait néanmoins être utilisé pour justifier un refus.
Par la nouvelle rédaction retenue, la Haute juridiction lève tout doute sur le sens et la portée de la jurisprudence en indiquant désormais sans ambiguïté qu’il n’est pas possible de se fonder sur le handicap ou la maladie d’une personne pour refuser de la naturaliser, même de manière incidente.
▪ D’autre part, s’agissant des revenus, le Conseil d’Etat indique qu’il appartient à l’autorité étatique de s’interroger pour déterminer si la faiblesse des revenus du demandeur à la naturalisation est « directement » liée à son handicap.
Si la faiblesse des revenus est liée au handicap ou à la maladie du demandeur, il n’est pas possible de le lui opposer. En revanche, si le demandeur à la naturalisation ne parvient pas à démontrer que la faiblesse de ses revenus est liée à son état de santé, alors cela peut lui être opposé.
Cette seconde précision ouvre donc la voie à une analyse (nécessairement délicate) de la situation des requérants.
En effet, et autrement dit, il ne suffit pas que les demandeurs à la naturalisation soient atteints par un handicap pour que les conditions tenant aux revenus et à l’intégration professionnelle ne leur soient pas opposables. Et la perception d’allocations de compensation du handicap ne suffit pas à faire regarder les faibles revenus du demandeur comme étant « directement » liés à son handicap.
Le Conseil d’Etat ne donne pas de méthode pour apprécier ce lien entre faibles revenus et handicap mais les conclusions de Guillaume Odinet sur cette décision indiquent que « la perception d’allocations de compensation du handicap » sera « un élément probant particulier » sans créer de présomption automatique.
Il faudra donc que les juridictions examinent, en détail, chaque demande émanant de personnes en situation de handicap pour déterminer si la faiblesse de leurs revenus est « directement » liée à leur handicap.