Urbanisme 7

Le droit de préemption commercial s’exerce dans les mêmes conditions que le droit de préemption urbain

Le 06/08/2024

Le droit de préemption commercial, qui a pour but d’éviter la perte des commerces de bouche de proximité, est relative récent et peu utilisé. Aussi, le Conseil d’Etat n’avait jamais eu l’occasion de définir les conditions dans lesquelles devait s’exercer ce droit. C’est désormais chose faite.

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Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de définir les conditions dans lesquelles s’exerce le droit de préemption commercial, en transposant celles du droit de préemption urbain.

En effet, par une décision n° 470167 du 15 décembre 2023, le Conseil d’Etat a fixé les conditions dans lesquelles le droit de préemption commercial pouvait s’exercer.

En matière de droit de préemption urbain, les collectivités territoriales peuvent préempter un bien si (CE. SSR. 7 mars 2008, Commune de Meung sur Loire, n° 288371, publiée au Recueil ; CE. SSR. 6 juin 2012, Société RD Machines Outils, n° 342328, publiée au Recueuil) :

- Elles justifient de la réalité d’un projet à la date de la décision de préemption, même si ses caractéristiques précises ne sont pas définies,

- La nature du projet est précisée dans la décision de préemption,

- Le projet répond à un intérêt général suffisant (en tenant compte de l’objet de l’opération et de son coût).

Le Conseil d’Etat a donc transposé et adapté ces exigences au droit de préemption commercial en précisant que les collectivités territoriales pouvaient préempter si :

- Elles justifiaient de la réalité d’un projet à la date de la décision de préemption, même si ses caractéristiques précises ne sont pas définies,

- La nature du projet était précisée dans la décision de préemption,

- Le projet répondait à un intérêt général suffisant (eu tenant compte des caractéristiques du bien et du coût prévisible de l’opération).

Le Conseil d’Etat apporte quelques précisions complémentaires en indiquant :

D’une part, qu’il est nécessaire de préciser la ou les activités commerciales ou artisanales qu’il convenait d’installer ou de développer.

D’autre part, que la simple référence à la délibération délimitant un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité ne suffit pas à démontrer la réalité du projet et son intérêt général. Mais le Conseil d’Etat ne ferme pas totalement la porte sur ce point. En effet, il précise bien qu’en l’espèce cette référence était insuffisante dans la mesure où la délibération délimitant le périmètre de sauvegarde ne précisait pas elle-même ces mêmes activités. Il paraît donc possible, comme l’indiquent également les très éclairantes conclusions de M. Thomas Janicot sur cette décision, de se référer à ce type de délibération pour justifier de la réalité du projet si cette délibération est elle-même précise.

Ainsi, le Conseil d’Etat donne un mode d’emploi assez précis du droit de préemption commercial, qui n’allait pas de soi.

En effet, comme cela ressort des conclusions de M. Janicot, un mode d’emploi beaucoup plus souple aurait pu être envisagé dans la mesure où ce mécanisme de préemption commercial suppose, notamment, par la suite, de trouver un commerçant, de lui céder le bail commercial et d’obtenir l’accord du bailleur. Ce qui s’oppose à ce qu’un réel projet précis existe au moment de la préemption.

Cela aurait donc pu conduire à considérer que l’existence du périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité suffisait en quelque sorte à justifier la préemption.

Mais outre que cela aurait conduit à une entorse à l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, cela aurait également conduit à supprimer en pratique tout contrôle du juge sur la préemption puisque celle-ci aurait été automatiquement motivée et justifiée par la délibération instaurant le périmètre de sauvegarde.

C’est la raison pour laquelle le Conseil d’Etat a consacré, pour le droit de préemption commercial, un contrôle similaire à celui existant en droit de préemption urbain.

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