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La mise en demeure de scolariser un enfant crée une situation d’urgence au sens du référé même si les parents n’ont pas exécuté la mise en demeure

Le 01/07/2024

La réforme de l’enseignement en famille (à domicile), qui a consacré le principe de l’enseignement dans un établissement scolaire, a créé un nombre important de litiges, l’enseignement en famille relevant, jusqu’ici, d’un choix des parents. Parmi ces contentieux, celui des mises en demeure de scolariser un enfant mérite que l’on s’y arrête pour l’examiner.

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En effet, désormais, l’enseignement en famille (ou enseignement à domicile) est une dérogation et non plus un mode d’enseignement considéré comme équivalent à l’enseignement dans un établissement scolaire ou privé.

Il faut donc obtenir une autorisation, qui n’est accordée que dans des cas limitativement énumérés (voir l’article : Le Conseil d’Etat confirme, pour l’essentiel, la réforme de l’enseignement à domicile).

Si l’autorisation est refusée mais que les parents de l’enfant ne l’inscrivent pas dans un établissement scolaire, elles peuvent recevoir, sur le fondement de l’article L. 131-10 du code de l’éducation, une mise en demeure de scolariser leurs enfants.

Dans l’affaire ici rapportée (CE. CHR. 6 février 2024, n° 487634, mentionnée aux tables), deux contrôles successifs de l’instruction dispensée à domicile avaient été réalisés et étaient négatifs.

Aussi le directeur académique avait adressé des mises en demeure aux parents de scolariser leurs enfants mais les parents n’avaient pas procédé à cette scolarisation et s’étaient tournés vers le tribunal administratif en référé pour contester ces mises en demeure.

Le juge des référés avait alors considéré qu’il n’y avait pas d’« urgence » à ce qu’il se prononce au sens du référé-suspension car les parents n’avaient pas exécuté les mises en demeure.

Il n’avait donc pas examiné le recours au fond, l’urgence étant l’une des conditions du référé-suspension.

Un recours a alors été formé par les parents devant le Conseil d’Etat.

Celui-ci devait déterminer s’il y avait urgence à suspendre une mise en demeure de scolariser un enfant, lorsqu’elle n’était pas exécutée.

Le Conseil d’Etat a alors considéré que le tribunal avait commis une erreur de droit en se fondant sur la circonstance que la mise en demeure n’avait pas été exécutée pour considérer qu’il n’y avait pas d’urgence.

Cette solution apparaît logique dans la mesure où, en suivant le raisonnement du tribunal, il n’y aurait probablement jamais eu d’urgence à suspendre une telle mise en demeure :

- En effet, si les parents n’exécutaient pas la mise en demeure de scolariser leurs enfants, alors il n’y aurait pas d’urgence du fait de cette inexécution.

- A l’inverse, si les parents exécutaient la mise en demeure, il paraitrait difficile que l’urgence soit reconnue dans la mesure où, justement, cette mise en demeure étant exécutée, les conséquences « graves et immédiates » de cette mise en demeure (CE. Sect. 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes, n° 229562, publiée au Recueil) ne pourraient pas très sérieuses être alléguées.

Autrement dit, le raisonnement du tribunal aurait, en pratique, probablement fermé l’accès au référé-suspension contre une mise en demeure de scolariser un enfant.

Cette décision est donc utile dans ce contentieux naissant puisqu’elle pose comme principe qu’il ne suffit pas que la mise en demeure ne soit pas exécutée pour que l’urgence ne soit pas reconnue.

Ainsi, elle ouvre réellement la porte du référé-suspension contre les mises en demeure de scolariser un enfant.

 

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