Handicap

La difficile application des décisions de la CDAPH accordant le droit à un AVS/AESH

Le 13/03/2023

Une décision n° 460976 du 19 mai 2022 rendue par le Conseil d’Etat illustre la difficulté que rencontrent parfois les parents pour faire appliquer les décisions des CDAPH accordant à leurs enfants un AVS/AESH, mais également les difficultés à faire appliquer ces décisions par le juge administratif.

Bouton

Dans cette affaire, la CDAPH avait accordé, en juillet 2021, à un enfant atteint de troubles du spectre autistique une « aide humaine individuelle » de 15 heures par semaine à compter du 1er septembre 2021 sur le fondement de l’article L. 351-3 du code de l’éducation.

Toutefois, dans la pratique, à la rentrée de septembre, l’enfant n’avait pu obtenir l’assistance d’un AVS que pour une durée variant entre 6 et 8 heures. Ce dont les parents s’étaient plaints auprès de l’académie de Versailles le 13 septembre 2021. Ces derniers avaient donc demandé à l’académie de se conformer à la décision de la CDAPH en faisant bénéficier leur enfant des 15 heures octroyées.

L’académie n’ayant jamais répondu à ce courrier, une décision implicite de rejet de leur demande est née le 13 novembre 2021 et les parents ont saisi le juge du référé-liberté par l’intermédiaire de leur avocat le 25 janvier 2022 pour demander qu’il soit enjoint à l’Etat d’attribuer un AESH pour une durée de 15 heures à leur enfant en application de la décision de la CDAPH. En effet, c’est bien à l’Etat de prendre en charge les AVS / AESH (voir l’article : C'est à l'Etat de prendre en charge les AVS / AESH pendant les temps d'activités périscolaires).

Cependant, ce recours a été rejeté le 28 janvier suivant, le juge du référé-liberté estimant qu’il n’y avait pas d’urgence à se prononcer.

Les parents de l’enfant ont alors formé un pourvoi en cassation qui est rejeté par le Conseil d’Etat dans la décision commentée.

En effet, le Conseil d’Etat estime que la présence d’un AESH pendant seulement 6 à 8 heures durait depuis le 1er septembre 2021 (soit environ 5 mois à la date de la saisine du juge des référés) sans que cela n’ait fait obstacle à la scolarisation de l’enfant.

De plus, il ajoutait que les nombreuses démarches effectuées par les parents n’avaient été justifiées que devant le juge de cassation et non devant le juge des référés (or, le juge de cassation ne peut prendre en compte les éléments nouveaux qui auraient pu être soumis au juge du fond).

Cette décision, très sévère, apporte plusieurs enseignements dont les parents d’enfants auxquels des AVS / AESH ont été octroyés sans être fournis en pratique par les services de l’Etat devront avoir conscience :

  • Tout d’abord, il ne faut pas tarder à saisir le juge des référés (ni à se rapprocher d’un avocat en droit de l’éducation) car, à défaut, cela peut être reproché aux parents en cas de recours, le juge estimant qu’il n’y a pas « urgence » à ce qu’il se prononce.

  • Ensuite, il est nécessaire de bien conserver toutes les traces des démarches effectuées pour les mêmes raisons.

  • Enfin, l’usage du référé « liberté » (article L. 521-2 du code de justice administrative) n’est pas forcément le meilleur chemin pour obtenir gain de cause, au-delà d’un délai de quelques jours ou quelques semaines puisque, pour être accepté, il est nécessaire qu’il y ait une urgence extrême à ce que le juge se prononce. En effet, le référé « suspension » paraît plus adapté dans la mesure où si le juge du référé est également saisi en urgence, cette urgence n’est pas nécessairement extrême. C’est d’ailleurs ce que semble suggérer le Conseil d’Etat en fin de décision.

Dans ces conditions, cette décision montre l’extrême vigilance dont doivent faire preuve les parents d’enfants atteints de handicaps pour faire appliquer les décisions de la CDAPH les concernant. En effet, et à défaut, il risque de leur être reproché de ne pas avoir été assez rapides pour saisir le juge.