Par une décision n° 402321 du 28 décembre 2018, le Conseil d'Etat vient préciser les conséquences qu'il convient de donner, après l'annulation d'un refus de permis de construire ou d'un sursis à statuer sur cette demande de permis, à une injonction de procéder à une nouvelle instruction de la demande dans un délai déterminé.
En effet, en cas de silence de l'administration au terme de ce délai, et en l'absence de confirmation de la demande par le pétitionnaire, deux analyses s'opposent :
- D’un premier point de vue, il peut être considéré que la commune n’a pas déféré à l’injonction qui lui avait été faite de sorte que le pétitionnaire peut saisir le juge de l’exécution sur le fondement de l’article L. 911-4 du code de justice administrative pour que le juge contraigne la commune à exécuter le jugement ou l'arrêt.
- D'un second point de vue, il peut être estimé que le tribunal ayant donné un délai à la commune pour se prononcer et celle-ci ayant gardé le silence sur la demande, le pétitionnaire doit être regardé comme bénéficiant d’une décision tacite de permis de construire après l'écoulement du délai d'instruction classique sans qu'aucune confirmation de sa part ne soit nécessaire.
Avant d'évoquer le point tranché par le Conseil d'Etat dans la décision commentée, il est nécessaire de rappeler les obligations qui pèsent sur le demandeur lorsqu'il obtient l'annulation du refus de permis de construire ou du sursis à statuer qui lui a été opposé.
1. En vertu des dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, lorsqu'un refus de permis a fait l'objet d'une annulation par le juge, l'administration reste saisie de la demande initiale de permis de construire mais il appartient tout de même au pétitionnaire de confirmer cette demande.
Il dispose à cet effet d'un délai de six mois à compter du caractère définitif de l'annulation de la décision.
Ainsi, il doit la confirmer s'il souhaite que l'administration se prononce à nouveau.
2. Se pose donc nécessairement la question de l'articulation entre cette obligation et l'hypothèse dans laquelle le juge enjoint, de lui-même, à l'administration de réétudier le dossier qui lui était soumis lorsqu'il annule le refus de permis de construire.
En effet, dans cette hypothèse, que se passe-t-il en cas de silence de l'administration : faut-il considérer qu'elle a simplement méconnu l'obligation que lui avait imposée le juge (de sorte que le demandeur peut saisir le juge pour contraindre l'administration à se prononcer) ou faut-il en déduire que l'injonction a fait courir un nouveau délai d'instruction sans qu'une confirmation au sens de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ne soit nécessaire (de sorte qu'un permis de construire tacite est né) ?
Telle est la question qu'avait à trancher le Conseil d'Etat dans la décision commentée.
3. Différentes juridictions du fond avaient déjà eu à se prononcer sur cette question.
Or, elles s'étaient, semble-t-il, toutes placées dans l'optique d'une inexécution par l'administration de l'injonction prononcée, ce qui ouvrait droit à des mesures plus coercitives sans permettre la naissance d'un permis de construire tacite (voir, par exemple, en ce sens : CAA Nantes, 2 décembre 2011, Epoux X. c. Commune de Campbon, n° 10NT02456 ; CAA Nantes, 16 décembre 2003, M. Guiard, n° 03NT01322 ; CAA Douai, 29 novembre 2007, Mme Gantois, n° 07DA01071 ; CAA Bordeaux, 7 juin 2012, Epoux A. c. Commune de Domme, n° 11BX02679 ; CAA Marseille, 27 mars 2015, Commune de Saint-Guiraud, n° 13MA01787).
Ainsi, et de manière générale, il était considéré qu'en l'absence de confirmation par le pétitionnaire, aucun permis de construire tacite ne pouvait naître.
4. Dans la décision commentée, le Conseil d'Etat confirme donc ces positions et vient procéder à un rappel clair des obligations respectives de l'administration et du demandeur.
D'une part, du fait de l'injonction prononcée par le juge, l'administration est tenue de réexaminer la demande et le pétitionnaire n'est pas obligé de confirmer sa demande pour que l'administration y soit obligée. En effet, l'injonction du juge dispose de sa propre force obligatoire et l'administration doit s'y conformer.
D'autre part, l'éventuelle inexécution de cette obligation ouvre simplement la possibilité au pétitionnaire de saisir le juge administratif pour qu'il fasse exécuter sa décision (autrement dit, qu'il contraigne, par une astreinte, l'administration à se prononcer à nouveau sur la demande de permis de construire). Mais cette inexécution ne fait pas naître de permis de construire tacite.
Il reste nécessaire, pour qu'un permis de construire tacite naisse, que le pétitionnaire confirme sa demande sur le fondement de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme.
Ainsi, par cette décision, le Conseil d'Etat ne fait que confirmer la position des cours administratives d'appel adoptée antérieurement. Néanmoins, cette confirmation par la juridiction de cassation dans une décision mentionnée aux tables était nécessaire afin de trancher définitivement cette question.