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La Chambre nationale de discipline des architectes avait confirmé cette solution après l’appel de l’architecte (qui demandait l’absence de sanction) et du conseil régional de l’ordre des architectes (qui demandait la radiation).
Le Conseil d’Etat, saisi d’un pourvoi en cassation contre la décision de la Chambre nationale de discipline des architectes, a récemment rejeté ce pourvoi et, ce faisant, confirmé la sanction (CE, 12 juillet 2024, n° 492481 ; sur le rôle des différentes juridictions successives, voir l’article : Comment fonctionne la discipline des architectes ?).
Il est donc utile d’examiner la décision de la Chambre nationale de discipline des architectes qui est en réalité la décision principale prise dans cette affaire.
L’architecte avait eu recours à une pratique de construction de maisons individuelles faisant intervenir le constructeur et l’architecte selon un modèle « simplifié ».
Il se prévalait dans cette instance d’un modus operandi proposé par la Fédération Française du Bâtiment.
Et il apparaît effectivement que la Fédération Française du Bâtiment a émis à l’attention des professionnels des « modèles de bonnes pratiques » préconisant :
- Un contrat cadre de partenariat entre le constructeur et les architectes,
- Un mandat donné au constructeur par le maître d’ouvrage pour recourir à l’architecte,
- Un contrat d’architecte entre le constructeur (mandataire) et l’architecte pour chaque construction.
Il n’est pas possible de déterminer à ce stade si ces préconisations de Fédération Française du Bâtiment sont effectivement conformes aux textes régissant la profession d’architecte (loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture ; décret n°77-1481 du 28 décembre 1977 sur l’organisation de la profession d’architecte ; code de déontologie des architectes).
En effet, ce schéma contractuel n’est pas examiné dans cette affaire par la Chambre nationale de discipline des architectes ou le Conseil d’Etat car si l’architecte se prévalait de l’utilisation de ce dispositif, il ne démontrait pas la signature de ces 3 contrats pour les 38 projets objet de la procédure.
Plus précisément, l’architecte n’avait produit que des devis adressés au constructeur.
Par ailleurs, l’architecte n’était pas parvenu, dans ces procédures, à démontrer qu’il avait effectivement réalisé et non sous-traité le projet architectural tel que défini par l’article 3 de la loi sur l’architecture :
« Le projet architectural mentionné ci-dessus définit par des plans et documents écrits l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. ».
C’est donc ces faits qui ont donné lieu aux poursuites disciplinaires, d’abord devant la chambre régionale de discipline des architectes, ensuite devant la Chambre nationale de discipline des architectes.
Pour condamner l’architecte à 3 ans de suspension, la Chambre nationale de discipline des architectes (CNDA, 10 janvier 2024, n° 2022-255 et n° 2022-256) a retenu 2 manquements différents aux obligations de l’architecte :
- La méconnaissance de l’article 11 du code de déontologie des architectes en ne signant aucune convention avec les maîtres d’ouvrage,
- La méconnaissance des articles 3 de la loi du 3 janvier 1977 et 37 du code de déontologie des architectes en se rendant coupable de signature de complaisance et de sous-traitance des missions réservées à l’architecte.
Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre nationale de discipline des architectes a retenu plusieurs éléments :
- L’architecte ne peut pas se borner à la « supervision ou validation d’un projet architectural et de plans et documents que l’architecte n’a pas lui-même établi ». Autrement dit, l’architecte doit pouvoir démontrer qu’il est effectivement intervenu à titre personnel sur les plans et documents composant le projet architectural. Il ne peut pas se borner à vérifier des plans ou documents préparés par des dessinateurs qui ne sont pas architectes.
- Dans cette affaire, 36 des projets de construction examinés avaient été réalisés sans contrats signés avec les maîtres d’ouvrage ou avec leurs mandataires (autrement dit les constructeurs) puisque l’architecte ne produisait que des devis avec les constructeurs (qui ne pouvaient, selon la Chambre, être regardés comme des contrats).
- La circonstance que l’architecte n’ait jamais rencontré la plupart des maîtres d’ouvrages, qu’il ait été rémunéré par les constructeurs et non les maîtres d’ouvrage, qu’il n’ait pas conservé les supposées modifications apportées aux projets des dessinateurs et qu’il n’ait été en mesure de produire aucune esquisse, conduisait à considérer qu’il n’avait pas réalisé ces plans et s’était, ainsi, rendu coupable de signature de complaisance et de sous-traitance des missions réservées par la loi à l’architecte.
C’est la raison pour laquelle la Chambre nationale de discipline des architectes a condamné l’architecte.
La sanction prononcée par la Chambre nationale de discipline des architectes est une suspension de 3 ans, sans sursis, avec publication de cette condamnation dans différents journaux.
Autrement dit, pendant 3 ans, l’architecte n’aura plus le droit d’exercer et son cabinet sera géré en son nom par un autre architecte désigné par l’Ordre.
C’est donc une sanction sévère qui a été retenue par la Chambre nationale de discipline des architectes.
Mais elle s’inscrit dans la ligne, assez dure, applicable aux architectes.
En effet, les sanctions prononcées par les chambres régionales de discipline des architectes et la Chambre nationale de discipline des architectes sont généralement assez lourdes.
Ainsi, et pour exemple, la Chambre avait déjà jugé pour une signature de complaisance et la réalisation d’un projet sans rapport contractuel direct avec les maîtres d’ouvrage qu’une radiation était appropriée. Et le Conseil d’Etat avait jugé que cette sanction n’était pas disproportionnée (CE. SSJS. 14 novembre 2014, n° 372403).
Il y a donc une grande sévérité dans ce domaine.
Au vu de cette décision et de sa sévérité, il ne peut qu’être conseillé aux architectes recourant au schéma contractuel préconisé par la Fédération Française du Bâtiment de :
- Bien s’assurer que les 3 contrats préconisés par cette Fédération sont bien signés et contiennent tous les éléments exigés par la loi du 3 janvier 1977, le décret du 28 décembre 1977 et le code de déontologie des architectes.
Mais l’utilisation de ce procédé, qui n’a pour l’instant pas été validée par les juridictions, doit nécessairement être appréhendée avec beaucoup de prudence tant que sa légalité n’a pas été confirmée.
- Bien conserver les traces de leurs échanges avec les différents interlocuteurs et la preuve de leur intervention effective sur les plans et documents composant le projet architectural.
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