Par une décision n° 426139 du 22 juillet 2020, le Conseil d’Etat vient rappeler que le principe est l’autorisation de construire et l’interdiction, l’exception.
En effet, dans cette affaire était en cause la construction d’un ensemble immobilier de 758 logements, de commerces, services et crèche dans une zone de risque « moyen » d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN) inondations.
Ce projet avait été jugé conforme au PPRN et aux documents d’urbanisme, de sorte que le maire de la commune avait autorisé le projet.
Cependant, ce permis de construire avait été contesté par le préfet et soumis au tribunal administratif.
Le tribunal administratif avait alors annulé le permis de construire en estimant que si le projet était conforme au PPRN inondation, le risque de submersion existait et devait donc être sanctionné sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.
Cet article prévoir que :
« Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ».
Ce jugement a cependant été contesté devant le Conseil d’Etat par le détenteur du permis de construire annulé.
Le Conseil d’Etat, dans la décision commentée, apporte plusieurs précisions.
● Tout d’abord, il rappelle que les prescriptions d’un plan de prévention des risques naturels n’ont pas à être reprises dans le permis de construire pour s’imposer.
Il ne fait, sur ce point, que reprendre la jurisprudence antérieure en ce domaine (CE. SSR. 4 mai 2011, Commune de Fondettes, n° 321357, mentionnée aux tables).
Ce rappel allait de soi dans la mesure où les documents et les servitudes d’urbanisme n’ont pas à être rappelés dans le permis de construire pour s’imposer au pétitionnaire.
● Ensuite, en examinant le respect de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, le Conseil d’Etat consacre le fait que le PPRN ne se substitue pas à l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme.
En effet, il aurait pu considérer que si le PPRN était respecté par un projet, c’est que ce projet respectait nécessairement l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, puisque le PPRN est supposé protéger la sécurité et la salubrité publique.
Cependant, telle n’est pas la solution retenue. Le Conseil d’Etat considère de façon constante qu’un projet peut parfaitement respecter un PPRN (notamment inondation) mais être refusé du fait d’un risque (par exemple d’inondation) sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme (CE. SSR. 4 mai 2011, Commune de Fondettes, n° 321357, mentionnée aux tables ; CE. SSR. 15 février 2016, M. A, n° 389103, mentionnée aux tables).
Ainsi, même si un terrain est classé dans une zone où aucun risque n’est identifié dans le PPRN ou même si les prescriptions du PPRN sont respectées, cela ne signifie pas que le projet ne pourra être refusé en raison du risque pourtant censé être traité par le PPRN.
Dans ses conclusions sur la décision commmentée, Olivier Fuchs, explique cette contradiction apparente par deux motifs : le premier, est tiré du caractère général du PPRN et le second, de pure opportunité, est lié à la possibilité d’une omission ou du caractère incomplet du PPRN.
● Enfin, le Conseil d’Etat rappelle également que le juge ne peut pas annuler un permis de construire sur le fondement de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme si cette annulation peut être évitée par l’imposition de prescriptions (voir l’article : Que sont les prescriptions d'un permis de construire ?).
En effet, si cette solution a été dégagée il y a peu (CE. CHR. 26 juin 2019, M. Deville, n° 412429, publiée au Recueil) elle se fonde sur un principe ancien puisqu’il ne faut pas oublier qu’en matière d’urbanisme, le droit de construire est le principe et sa limitation l’exception.
Dans ces conditions, il est parfaitement logique, au vu de ce principe que si la construction peut être autorisée pour un motif, le juge doit analyser ce motif.
● Appliquant ces principes à l’espèce, le Conseil d’Etat censure le jugement du tribunal administratif.
En effet, il considère que le tribunal pouvait contrôler le respect de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme par le permis de construire, même si le PPRN était respecté. En revanche, il estime que le tribunal ne pouvait annuler le permis de construire sans rechercher si des prescriptions, ajoutées au permis de construire, auraient permis de prévenir le risque qui était identifié.
Ce faisant, le Conseil d’Etat rappelle le principe selon lequel le droit de construire est la règle et sa limitation est l’exception.