Les syndicats étudiants n’ont pas le droit de demander la communication des algorithmes de « Parcoursup »

Le 20/01/2020

Par une décision n° 427916 du 12 juin 2019, le Conseil d’Etat vient confirmer la restriction du droit d’accès des syndicats d’étudiants aux algorithmes de « Parcoursup » mis en place par l’Etat et les universités.

Dans cette affaire était en cause la demande de l’UNEF, adressée à l’université des Antilles, portant, d’une part, sur les procédés algorithmiques utilisés pour traiter les candidatures via la plateforme Parcoursup et, d’autre part, les codes sources correspondants.

L’université ayant refusé de lui communiquer les algorithmes demandés, l’UNEF s’est tournée vers le tribunal administratif la Guadeloupe, qui a fait droit à sa demande.

Toutefois, en cassation, le Conseil d’Etat estime que les syndicats étudiants n’ont aucun droit à la communication de ces algorithmes.

Cette solution mérite que l’on s’y attarde.

Pour parvenir à cette conclusion, le Conseil d’Etat fait application d’un principe classique, qui implique de rappeler les règles applicables en matière de communication de documents administratifs.

En effet, dans cette matière, il est désormais acquis que tout administré peut obtenir la communication de tout document détenu par l’administration (à moins qu’il soit protégé par certains secrets).

Ce principe de transparence a été institué par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 afin de mettre un terme à l’opacité administrative en forçant cette dernière à communiquer les documents qu’elle émettait.

Avec l’informatisation accrue de la vie administrative, le traitement algorithmique des demandes des administrés a pris de l’essor.

Or, dans ce cadre, il a été considéré, sans aucune difficulté, que lesdits algorithmes et les codes sources qui y étaient attachés constituaient des documents administratifs communicables (voir, par exemple, les avis de la CADA n° 20144578 du 8 janvier 2015 et n° 20161990 du 23 juin 2016).

Cette question s’est posée avec une particulière acuité à propos d’APB (qui a donné lieu à l’avis n° 20161990 du 23 juin 2016).

Toutefois, en pratique, les administrations éducatives ont fait preuve d’un mauvais vouloir particulièrement évident dans la communication de ces algorithmes, de sorte que les associations d’étudiants qui ont demandés ces documents n’ont jamais réellement pu les exploiter.

C’est la raison pour laquelle, afin de faciliter l’accès des étudiants aux informations utiles quant au traitement algorithmique de leurs candidatures, il a été prévu, à l’occasion de la création de Parcoursup, une publicité spécifique de ces algorithmes.

Ces modalités spécifiques, prévues à l’article L. 612-3 du code de l’éducation, ont cependant eu pour effet de restreindre les documents que les étudiants étaient en mesure de demander en indiquant que la communication « des informations relatives aux critères et modalités d'examen de leurs candidatures ainsi que des motifs pédagogiques qui justifient la décision prise » était réputée suffisante pour satisfaire le droit d’accès des étudiants.

De la sorte, il faut en déduire que les étudiants ne sont plus en droit de solliciter les codes sources en eux-mêmes et doivent s’en remettre aux seules informations fournies par les universités.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat vient encore restreindre le droit d’accès à ces algorithmes.

Pour cela, il fait application d’un principe classique en vertu duquel une règle spécifique prévaut sur une règle générale (specialia generalibus derogant).

Plus précisément, il a considéré que l’article L. 612-3 du code de l’éducation, qui organise le droit d’accès aux algorithmes pour les étudiants, était une règle spéciale qui venait se substituer aux règles générales relatives à la communication des documents administratifs.

Il en déduit que les règles générales ne trouvent plus à s’appliquer aux algorithmes de Parcoursup.

Or, l’article L. 612-3 du code de l’éducation ne prévoit rien pour la communication des algorithmes aux syndicats étudiants.

Le Conseil d’Etat a donc estimé que ces syndicats n’avaient pas droit à la communication desdits algorithmes.

Ainsi, du silence de cette règle spéciale à l’égard des associations d’étudiants, le Conseil d’Etat déduit que ces associations ont perdu leur droit à la communication de ces algorithmes (qui était auparavant reconnu sans difficulté).

Cette position vient donc grandement restreindre la possibilité d’action des syndicats étudiants qui, en pratique, ne pourront plus examiner ces algorithmes.

D’ailleurs, dans cette affaire, la Commission d’accès aux documents administratifs avait déploré cette restriction du droit d’accès aux algorithmes et invité les universités à les publier spontanément (avis n° 20184400 du 10 janvier 2019).

En effet, il apparaît difficilement acceptable au XXIème siècle que l’Etat puisse utiliser des algorithmes sans que quiconque n’ait, en pratique, la possibilité de contrôler la manière dont ces algorithmes sont utilisés.

Plus précisément, les étudiants n’ont aujourd’hui plus le droit d’accéder au code source et doivent s’en remettre aux informations qui leur sont données par les universités. De la sorte, ils n’ont aucune possibilité de contrôler l’application qui est faite de ces algorithmes et doivent croire sur parole les universités. Or, dans le même temps, les syndicats étudiants sont purement et simplement exclus du droit d’accès aux informations relatives.

Ainsi, plus personne n’est en mesure de contrôler les algorithmes Parcoursup.

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